Salut, j'ai lu l'article il y a quelques jours et je ne me souviens pas de tout.
Elle a un très grand passé c'est évident. Elle semble un peu kéblo sur la drogue ( "c pas bien les enfants" , milite t elle dans un mouvement quelconque ?... elle semble très croyante mais c'est pas étonnant ) et les styles musicaux ( seul le jazz et le classique sont de la musique ). Je schématise bien sùr mais c'est ce que j'ai gardé en tête. Elles a envie très fort de vendre ses méthodes aussi. Toutefois c'est le jeu et je ne le lui reproche pas.
Son expérience et l'envie de la faire partager sont très louables et ses conseils certainement judicieux même si je n'ai pas visité son site encore.
De telles carrières sont sans doute impossibles maintenant. A comparer à des gars comme Leland Sklar ou Anthony Jackson.
Interview prestigieux.
@+
Carol Kaye Interview
- Bruno Chaza
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- Localisation : France
Carol Kaye Interview
Je rajoute quelques photos à ce moment d'échange avec Carol Kaye.
Traduction de l'entretien fait par Nanookanono, juste en-dessous la version anglaise.
Traduction de l'entretien fait par Nanookanono, juste en-dessous la version anglaise.
- Bruno Chaza
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Re: Carol Kaye Interview
Un plaisir de partager avec Carol Kaye
....Voilà l'échange de ce moment passé avec Carol.
Bruno Chaza
www.brunochaza.com
Traduction Sylvain Barthel, nanookanono
Bonsoir Carol, ne m'en veut pas si ce moment te semble un peu déroutant, je voudrais un peu casser cette image que l'on peut avoir des musiciens dans les magazines et ailleurs.
On y parle de tout sauf de musique, c'est à qui joue le plus vite, le mieux, on y parle de gammes et des dieux qu'on idolâtre, c’est pour moi souvent triste.
Du narcissisme, du déballage, de l’inventaire, bref tout ce que je n’aime pas. Je recherche plutôt des gens simples, authentiques qui aiment la musique pour ce qu’elle est, les émotions avant la technique, la basse dans un orchestre comme un tout, non pas comme un véhicule de course.
C’est tellement intéressant d’entendre parler les musiciens de leurs états d’âme, de leurs souvenirs, de leurs espoirs, de leurs projets, de leurs moteurs. Qu’est-ce qui les pousse à avancer, qu’est-ce qui les fait travailler, leurs coups de cœur et leurs desespoirs.
· « Oui Bruno, je pense que c’est très important d’en savoir un peu plus sur un musicien, savoir comment il a mené sa carrière, à quoi il pense. Pourtant, la plupart n’en révèleront jamais grand-chose. Je pense que c’est dans la nature des musiciens d’avoir peur de dire en « mots » les choses qu’ils préfèrent exprimer en musique.
Carol, pourrais-tu nous parler de ton actualité et de tes projets ?
· Je travaille sur un projet de film, un projet pédagogique pour le Jazz qui va bientôt sortir en DVD. J’ai également un projet d’album (sur la basse) qui va sortir avec une grande star avec de la musique que j’aime beaucoup, mais je ne peux révéler le nom de la chanteuse.
On me dit de ne pas le faire pour l’instant, c’est une grande chanteuse et j’espère vraiment faire aboutir tout cela.
· Je n’accepte plus les séances d’enregistrements et ne prends des engagements pour des films qu’occasionnellement et uniquement ceux qui me plaisent. Il n’y a plus dorénavant tout ce travail dans les studios de Hollywood comme cela a pu être le cas à une époque.
Je me suis aussi remis à jouer de nouveau de la guitare jazz (à l’origine, j'étais guitariste de jazz dans les années 50). Il y a aussi mon documentaire « La première dame de la Basse » qui a été montré en Europe dans trois pays et qui va sortir au Canada et ailleurs. Ce fut une année excitante et il y a encore plein d’autres choses en phase d’aboutissement et dont je ne peux encore parler.
Sur quel album aimerais-tu que l'on t'écoute, demain, je veux acheter un Cd où tu joues, qu'est-ce que tu me conseilles ?
· Ah voilà une question bien ardue, c’est sûr que j’ai fait tellement de choses en studio (la plupart de ce qu’on élimine n’était que du surf rock, des bons grooves certes, mais pas notre musique préférée), mais je suis fière de probablement « Feeling allright » de Joe Cocker, « I don’t need no doctor » et bien d’autres morceaux de Ray Charles, « The way we were » de Barbara Streisand et toutes les émissions de télé comme peuvent l’être « Mission Impossible « « Kojac » « Streets of San Francisco » « Mac Cloud » « MASH » « It takes a theif » « Ironside » « Room 222 » ceux des premiers spectacles télés de Bill Cosby (approximativement vers 1969-1970 et quelques tubes comme ceux avec Andy Williams, Lou Rawls, certaines choses des Beach Boys que j’aimais bien, des trucs de Mel Torme, Oc Smith, « The in crowd » tube avec Doobie Gray. En fait, il y a plein d’enregistrements que j’aime particulièrement sans pouvoir dire d’en avoir préféré un aux autres.
Est-ce que tu écoutes encore maintenant des musiciens qui te donnent de l'énergie et de la force, peux-tu nous en parler ?
· À l’origine, j’étais musicienne de Jazz (comme la plupart des musiciens de studio) et il est vrai que c’est cette musique qui m’inspire encore et depuis toujours, spécialement quand j’écoute le géant Sonny Stitt. J’adore aussi la musique classique.
Quels instruments utilises-tu ?
· En studio et sur scène, j'utilise UNIQUEMENT la superbe basse Ibanez SRX700…..comme toujours, je n’ai que deux basses. Ici les musiciens de studio ne sont pas des collectionneurs et nous n’avons que ce dont nous avons besoin plus un instrument de rechange. Je sais qu’ailleurs, que d'autres ont une multitude de basses, mais pour ma part, j'obtiens des sons très diversifiés d’une seule basse comme nous l’avons toujours fait ici et je ne vois pas le besoin d’avoir tout un arsenal d'instruments, j’ai déjà assez de travail comme ça.
Je me sens tout à fait à l’aise avec l’Ibanez depuis qu’ils ont rendu leurs manches plus épais même avec mes petites mains.
J’ai besoin d’une certaine épaisseur de bois pour ne pas avoir de crampes à la main pendant que je joue. Et l’Ibanez c’est la qualité en long, en large et en travers et maintenant avec ce manche parfait, c'est terrible.
Je ne changerai jamais les micros non plus, (j’utilise seulement le micro du côté manche), car ces micros d’origine sont géniaux, ils sonnent naturels et obtiennent tous les sons Fender que je veux et aussi tous les sons superbes que j’adore. Avec les cordes fantastiques Thomastik Jazz filets plats (mariées avec ma technique pour étouffer le son et mon jeu au médiator près du manche avec le poignet à plat), j’obtiens des sons phénoménaux.
As-tu ta basse de prédilection ou est-ce que tu adoptes plusieurs instruments suivant les styles et les fonctions ?
· J’utilise la guitare électrique Ibanez avec un micro spécial : Le Seymour Duncan Hambucker (là encore uniquement avec le micro manche pour avoir des beaux sons épais et graves de Jazz) L’Ibanez que j’utilise est la RG321 avec les cordes Jazz filées plat Georges Benson, les micros Seymour Duncan. Alors la grande Ibanez qu’on considère comme une guitare pour le « Rock » grâce à ses qualités devient une GRANDE guitare pour le Jazz. J’ai joué dans les clubs, fait des chorus jazzy avec et des guitaristes qui seraient arrivés avec leurs guitares acoustiques ou électriques à 5000 dollars en seraient tombés bouche bée……..parce qu’ils n’arriveraient PAS à avoir un son Jazz aussi bon que celui que j’ai avec ma guitare à 350 Dollars équipée juste comme il faut pour le bon Jazz. Les sons sont phénoménaux. Ibanez est la seule firme que j’adore, ils savent écouter les musiciens et ont l’honnêteté de sortir des instruments d’une qualité de haut de gamme et ce même directement de leurs chaînes de fabrication. De la qualité qui dure. Leurs micros de Basse sont LE TRUC pour des bons sons de basse diversifiés. Je n’ai besoin de rien d’autre que leurs micros d’origine. Pour la guitare, si j’ai besoin des micros Duncan qu’ils utilisent dans la conception de beaucoup de leurs modèles de guitares électriques et acoustiques. Excellent !!
Ton passé musical en tant qu'étudiant est-il uniquement Jazz ?
· Je n’enseigne plus vraiment que du Jazz maintenant, avant, j'enseignais de tout et dans le futur, je ferai occasionnellement une exception.
J’ai enseigné la musique (sauf dans les Sixties qui furent des années de studio très chargées) et je n’ai plus la patience que j’avais à l’époque, ce qui explique que je n’enseigne plus que le Jazz, c'est la seule musique que je choisisse réellement de jouer en dehors de mon travail de studio qui résulte également d’un choix personnel.
Je n’enseigne qu’à des musiciens professionnels et il y en a qui viennent même d’Europe en avion pour des leçons et c’est agréable de voir le dévouement à apprendre le vrai Jazz et pas cette affaire de gammes, de notes pour sourds.
On ne peut jouer de bons solos de Jazz avec des gammes de notes. Ils ont tous besoin de la structure des accords que j’enseigne.
J’ai joué avec les plus grandes légendes du Jazz autour de Los Angeles spécialement dans les night-clubs noirs des années 50 et j’enseigne la manière dont tout le monde pratiquait des belles improvisations de Jazz à l’époque.
On ne peut pas apprendre à jouer du bon Jazz avec ces terribles notes des gammes justes bonnes à tuer l’oreille telles qu’elles sont enseignées couramment maintenant par d’anciens musiciens rockers, ceux-là n’ont eu aucun liens avec les bons vieux musiciens de Jazz qui leur auraient apporté quelque expérience pour enseigner, cependant petit à petit ceux qui sont vraiment dévoués apprennent les progressions d’accords et les accords dérivés pour enseigner le jazz en achetant mes méthodes sur le même sujet.
De temps en temps, vous pourrez rencontrer un musicien de Jazz plus âgé qui enseigne ici ou là. C’est la même théorie : les accords.
· J’en ai formé beaucoup dans le passé sur la manière de créer du jeu dans l’esprit du Soul ou des lignes funky de boogaloo ou aussi des lignes de style pop-rock-blues-motown, hé bien, il n’y a qu’une théorie qui englobe tout ça, qui n’est pas connue en général du public et qui concerne l’utilisation rythmique de certaines notes, mais chacun peut trouver cela très bien expliqué dans tous les contenus de mes nombreuses méthodes.
As-tu l'impression de t'être approprié des clés dans ton parcours, une façon particulière de traiter une cadence ou un accord, bref comment et par quel moyen la technique a laissé le pas à la liberté dans ton jeu ?
C’est important d’avoir la formation adéquate pour apprendre la bonne manière de jouer, c’est un processus qui prend du temps et j’ai vu beaucoup d’anciens élèves persévérer jusqu’à devenir célèbres pour la qualité de leur jeu, mais ça a pris du temps.
Vous apprenez, vous vous entraînez, vous boeuffez, vous faites quelques sessions, vous apprenez davantage et petit à petit, vous aurez l’expérience requise pour la plupart de situations de jeu. Quand on apprend à jouer du Jazz, cela rend tout ce processus efficace parce que c’est la forme musicale la plus complexe et la plus créative à assimiler. Ensuite, on peut se rendre compte qu’on peut jouer dans tous les styles voulus avec la bonne attitude qui est d’être un bon musicien pro et quel que soit le type de musique. C’est ce qui s’appelle être polyvalent et ce n’est pas compatible avec les drogues ou l’excès d’alcool. Aucun des musiciens de studio de notre communauté des sixties ne s’adonnaient à ce genre d’excès. Nous sortions d’une époque où nous savions que prendre des drogues était stupide, j’en pense la même chose encore aujourd’hui. Nous étions capables de créer et d’enregistrer un album de tubes en six heures sans aucun problème.
Bien sûr, la plupart d’entre nous possédaient leurs accords. Il fallait être prêt à jouer toutes sortes de standards et dans toutes les tonalités, ça aide pour le développement de la feuille. Nous avions déjà tous une solide expérience en Jazz et en formation de Big-bands, des tas d’années d’expérience avant tout ce travail de studio. L’éducation musicale des années 40 et 50 était basée sur le travail des accords et c’est ce qui manque aujourd’hui.
Et toutes ces drogues qui tournent, qui essaient-ils donc d’impressionner avec cela ? tout cela est tellement stupide, personne ne pourra apprendre à jouer sous l’effet de la dope. S’il fallait travailler avec quelqu’un shooté, il vous faudrait le « porter ».
Ils se précipitent sur leurs rails de coke ou leurs pétards et ensuite, c'est vous qu’ils entraînent vers le fond avec leurs vies de parasites en retour à l’amitié que vous leur avez portée.
Gare, méfiance, laissez donc les junkies et les accrocs seuls avec leurs stupidités et partez donc faire votre musique avec les idées claires, ça ira bien mieux comme ça et on en est plus heureux.
Je n’ai jamais rien programmé sur quoi que ce soit, ce sont juste les choses qui sont arrivées et il ne s’agissait toujours de rien d’autre que de faire vivre ma famille qui grandissait. Simplement, je me suis aussi trompé avec mes mariages, mon premier mari était un homme d’affaires qui frappait mon enfant, et le suivant était aussi alcoolique et stupide.
Par la force des choses, j’ai dû élever mes trois enfants seule et j’en suis d’autant plus reconnaissante envers ce travail que j’ai effectué en studio. Spécialement d’ailleurs les séances pour la Capital Records à un moment où ça n’intéressait personne.
J’ai bossé, enregistré, j’ai inventé mon jeu et je suis vite devenue la bassiste numéro un des années 1963 et 1964. C’était plus facile de jouer Rock aussi bien pour la basse que pour la guitare. Ça m’est arrivé de jouer de la guitare 12 cordes et toutes sortes de parties de grattes différentes sur les tubes enregistrés depuis 1957 et je n’ai pas apprécié de transformer mon jeu de guitare Jazz en un ersatz de Rock. Mais le fait de jouer ces plans à la basse m’a donné une facilité, une aisance et ça a fini par m’amuser, surtout lorsque je pouvais créer mes propres plans. Ce n’est donc pas vraiment un choix personnel ce job de session, puisque mon truc était de jouer live le Jazz. Mais le besoin de gagner ma vie et l’argent ont dicté ma conduite. C’est clair que le Jazz ne suffisait pas pour vivre et comme s’occuper de mes enfants était ma priorité, j’ai opté pour les séances. Et je n’étais pas la seule dans ce cas et en fait tous ceux qui jouaient bien se sont souvent retrouvé dans mon cas.
Ce fut merveilleux de côtoyer ce talent avec ces musiciens de studios. J’ai vécu cette époque où on avait la chance de pouvoir manger et nous n’avions pas le luxe de faire des choix et finalement tout s’est arrangé pour le mieux.
Quelles ont été les stades de ton évolution, ce qui t'a réellement permis d'avancer, les musiciens, un livre d'étude particulier, la compréhension d'un standard, un déclic personnel, une façon particulière de travailler etc… ?
J’ai grandi très pauvre, mes parents ont divorcé, déjà, nous n’avions pas grand-chose avant, alors quand mon père quitta l’état, il ne restait rien pour moi et pour ma mère. Alors, j'ai dû travailler dès l’âge de neuf ans. Nous avons bossé toutes les deux comme femmes de ménage, baby-sitter et n’importe quoi d’autre pour survivre. Comme je devais chanter partout dans l’appartement, ma mère, Dieu la bénisse, économisa des sous et m’acheta pour mes 13 ans une steel guitare bon marché à un vendeur ambulant, avec le même prix, soit 10 dollars tout compris, quelques leçons, et j’ai trouvé là quelque chose avec quoi je pouvais m’épanouir.
En plus je bégayais et des gamins passaient me prendre pour l’école du fait qu’ils étaient engagés dans un programme de « bonnes actions » scolaires.
J’ai eu de bonnes notes et des diplômes malgré cette inaptitude scolaire, c’est dire que la vie n’était pas si facile à cette époque et la musique me donnait du bonheur. Après trois mois de cours de guitare, j’ai pu commencer à assurer des sessions rémunérées et aussi donner des cours.
Croyez-moi pouvoir manger grâce à la musique m’a insufflé une sacrée motivation pour jouer. Avec Horace Hatchett qui gratuitement me donnait des cours de guitare, j’ai pu me familiariser avec les accords dans des recueils comme ceux de George Smith.
En 1949, Horace m’a engagé pour le seconder dans son enseignement. J’ai écouté les disques de Django Reinhardt, excellents, il m’a un peu influencé, mais la grosse influence pour moi vient de ce qui se passait ici. Le grand orchestre d’Artie Shaw et le Grammercy 5, le génial sextet de Benny Goodmann avec Charlie Christian à la guitare à qui j’ai emprunté beaucoup de plans, des trucs de Georges Van Eps, puis tout le restent appris sur le tas avec ce travail de sessions en Jazz depuis 1949.
L’oreille s’éduque bien en jouant les progressions d’accords, que ce soit harmoniquement ou en soliste. On comprend la bonne résolution des accords. Tout le monde jouait les standards à l’époque et éventuellement les modifications apportées aussi par les accords de substitutions utilisés dans le Be-bop, ce n’était pas dur. Vous appreniez bien sûr les gammes avec les accords, mais tout en sachant qu’ils n’étaient pas l’essentiel des idées créatrices qui, venaient-elles des notes de tensions et des substitutions d’accords, des empilements de triades, du cycle des accords et du cycle inverse, tout le monde jouait de cette manière.
J’allais toujours simultanément au collège puis au lycée tout en jouant en studio pour l’argent et je pratiquais inlassablement le Jazz pendant des heures, c’est la bonne manière de faire une fois que l’on a vraiment assimilé la progression des accords, les cadences.
Pourtant, à notre époque, je ne recommande pas plus de 1 ou 2 heures de pratique quotidienne. Pour pouvoir profiter pleinement du travail, il faut connaître suffisamment ses accords.
Ça ne peut marcher qu’à cette condition, seulement une fois que sont acquises les cadences, les marches harmoniques, les progressions d’accords.
De cette façon, vous n’apprendrez jamais littéralement par cœur un morceau, mais vous serez totalement familiarisé avec lui, car en connaissant les attirances et les résolutions d’accords, vous pourrez jouer sans même connaître la mélodie.
Il est important également de jammer, on apprend tellement dans ces moments-là, c’est une voie obligée d’apprendre en jouant avec d’autres. On me pose souvent la question de la difficulté d’être une femme au milieu des requins de studio. Or, je savais déjà qu’il y en avait eu avant moi, sans jamais de problème. À notre époque, on ne s’en souvient plus, mais il y a eut des milliers de femmes jouant du Jazz, engagées en sessions, dans les années 40 / 50 et partout aux Usa. Malgré tout, j’ai plutôt été influencé par des saxophonistes masculins comme Sonny Stitt, Sonny Criss, Charlie Parker, des gens comme Horace Silver et Hampton Hawes (si l'on se réfère au Jazz des années 50) mais aussi bien sur certaines périodes de Miles Davis.
J’ai toujours su qu’on n'apprend pas l’improvisation, la vraie en jouant par-dessus les disques. Ce n’est pas en bossant les transcriptions et en copiant les solos qu’on puise à l’intérieur de soi du neuf : on ne fait que copier.
Évidemment, on peut piquer des plans et les replacer, mais ce système ne permet pas d’être totalement libre en improvisation. En fait, en faisant cela, vous vous direz « j’ai besoin de repiquer des plans, des chorus parce que je ne suis pas assez bon pour apprendre comment le faire moi-même » tout repose sur la bonne compréhension des accords et le reste s’acquiert en jouant avec d’autres musiciens, l’expérience se complète avec les engagements et on atteint alors un bon niveau pour la scène.
Quelles sont les affinités propres à ton jeu, trio, quartet, y-a t'il selon toi une formule qui fait passer le mieux ce que tu as à dire ou est ce suivant l'humeur ?
Pas de préférence si les musiciens sont bons, tu peux facilement jouer avec n’importe quelle formule et ce sera bien.
Dans le même style de question as-tu un tempo, ton tempo, lequel ? Qu'elles sont les tonalités que tu apprécies et dans lesquels tu navigues en liberté ?
Pas de préférence. Les standards sont souvent écrits pour les armatures en bémols, car les soufflants utilisent ces tonalités spécifiques.
Considères-tu la basse comme l'instrument du groove ou es-tu de ceux qui aiment aussi la liberté en solo et en accords ?
Je n’utilise jamais la basse qu’autrement qu’instrument servant de fondement. Je connais d’autres musiciens qui parfois jouent la basse comme soliste, c'est bien (pas vraiment les meilleurs pros, pourtant ils partent en solo en jazz, oui, c'est sûr, mais dans une configuration de combo) c’est bien quoi qu'il en soit.
Deux basses dans un orchestre comme Coltrane l'a expérimenté, tu penses que ça peut orienter la musique vers quelle direction ?
De tout temps, on a déjà utilisé deux basses dans certains styles, c’était courant dans les premiers enregistrements d’avoir à la fois une contrebasse et une basse électrique avant que j’arrive pour jouer au médiator en 1963 et que je prenne accidentellement la place de deux basses dans la plupart des sessions d’enregistrements. Je pouvais obtenir le son des deux basses sur la basse électrique. Au sujet de cette histoire de deux basses, j’ai joué des choses intéressantes avec Ray Brown sur des partitions de Quincy Jones pour des films ça sonnait particulièrement bien sur des choses un peu sentimental, ces morceaux sont maintenant disponibles sur « Carol Kaye Bass » pendant une période cela a été piraté sur « Picking up the E string » (je ne reçois pas un sou sur ce disque volé s’il vous plait ne l’achetez pas, c’est un enregistrement pirate, vous aurez une meilleure version avec les bons mixages sur mon Carol Kaye Bass) Je n’ai pas d’opinion concernant l’utilisation de deux basses par Coltrane.
Peux-tu nous décrire une semaine type de ta vie de musicien, cours, séances répétitions, travail personnel ?
Une fois que tu as joué en studio pendant disons 12, 14 voir 16 heures par jour, quel temps te reste-t-il pour t’entraîner ? comme tu joues tout le temps, tu atteins un certain haut niveau de jeu et tu ne t’entraînes plus (le travail de studio c’est un business, ce n'est pas du Jazz ).
Par contre, il faut bien sûr s’entraîner pour jouer Jazz ou une autre musique complexe, mais pour ce qui est d'enregistrer, aucun d’entre nous n’a jamais joué nulle part à un niveau approchant notre niveau de musicalité en Jazz.
Tu n’as pas besoin de t’entraîner du tout et en fait quand j’arrivais à la maison, je devais dire aux gosses : « fermez la radio, je ne supporte plus une note de musique supplémentaire ».
De jouer tant de musique six jours sur sept, année après année, te dégoûte d’écouter quelque musique que ce soit. Maintenant, je suis une des très rares parmi les quelque cent musiciens de studios de l’époque à écouter n’importe quel style de musique ; si tu entres chez ces autres musiciens de studio, il y règne un silence de mort. C’est difficile au public de pouvoir comprendre cela, mais cela vient du fait que ce public n’est pas obligé de travailler 12 jours par jour, six jours sur sept de la musique en studio.
Un jour ordinaire de mes années sixties et seventies était : Lever à 7 heures, déjeuner vite fait, prendre une douche et hop direction les studios de cinéma pour des prises de film jusque vers les 17 heures. Rentrer à la maison en vitesse pour grignoter quelque chose et repartir aux studios d’enregistrement pour une séance de 20 heures à 23 heures et souvent en général beaucoup plus tard. Parfois, je ne rentrais pas à la maison avant 1 heure du matin. Fréquemment, je prenais un engagement de 18 heures à 19 heures pour un enregistrement, ce qui fait que je n’avais même pas le temps de rentrer chez moi pour grignoter, je mangeais sur place sur le pouce en coup de vent. Comme les emplois du temps débordaient, je devais prendre occasionnellement des remplaçants pour commencer les séances à ma place en attendant mon arrivée qui survenait avec de temps en temps 10 ou 15 minutes de retard.
C’était inconcevable d’être en retard pour une session parce que les règles du Syndicat étaient telles que si jamais une séance partait hors délai, je devais rembourser l’intégralité de ce dépassement, ce qui s’élevait à l’époque à 1000 dollars. Nous ne devions jamais être en retard, je devais me payer les services de taxi ou autre compagnie pour emmener un de mes quatre amplis et installer mon matériel en studio, je courais avec ma basse, l’ampli devait être allumé, j’avais juste le temps de me brancher, de m’accorder et d’être prête pour jouer, le stylo à la main notant les différents plans et passages imposés que je devais exécuter.
Au début des sixties, il fallait faire nos propres arrangements, souvent de tête, mais parfois aussi, nous écrivions les grilles, car certains chanteurs arrivaient aux studios avec une guitare en chantant leurs chansons voir en s’accompagnant du piano, il fallait donc tout déchiffrer et transcrire sur grille.
Ensuite petit à petit des arrangeurs sont venus dans le métier écrire les grilles ainsi que quelques lignes et gimmicks, mais la plupart des maisons de disques se reposaient musicalement sur notre groupe de 50 à 60 musiciens de studios (appelée la clique) pour ce job, parce que généralement nos idées d’arrangement sonnaient bien mieux.
À partir des années 1965 / 1966 la lecture a vraiment fait son apparition malgré tout, ils avaient besoin de nous pour corriger certaines lignes écrites. C’était toujours très facile pour nous puisque nous venions du Jazz d’écrire des lignes pour mettre en valeur la mélodie ou le chanteur souvent un peu banal et croyez-moi au départ ces morceaux n’étaient réellement pas géniaux. Les arrangements que nous mettions en place apportaient concrètement un plus au morceau et au chanteur. Avec cela, nous avions d’excellents ingénieurs du son à ces époques, des gars qui entraient dans le studio pour écouter notre son (tu apprends à étouffer pour obtenir d’excellents sons en studio et ça marche aussi sur scène) et ils ont reproduit sur disque exactement les sons que nous utilisions en séance.
L’honnêteté des ingénieurs était telle qu’ils n’utilisaient ils n’en avaient pas besoin) ni équalisation, compression ou autres effets et c’est bien pourquoi cette musique sonne de manière aussi puissante. Est-ce que j’étais fatiguée ? Oui, bien sûr en vivant tous avec une moyenne de 5 ou 6 heures de sommeil, la plupart du temps j’étais vraiment à la limite, ne tenant debout qu’avec l’aide de ma grosse consommation de café. Il y avait plusieurs producteurs (sans aucune raison autre que d’être derrière la console et faire des essais) qui faisaient jusqu’à 25 ou 30 prises voire plus.
Ce n’était pas la faute des musiciens, mais la leur : ils essayaient d’apprendre leur métier pendant leur travail. Nous étions capables de mettre en boite un morceau en une ou deux prises, mais au lieu de ça, pour une raison ou une autre, nous attendions leur bon vouloir en essayant de ne pas trop gamberger en buvant du café et en fumant des clopes, on gardait l’énergie et on se défoulait en balançant des blagues du premier degré.
Tu serais resté plié en deux tellement nos vannes étaient super en attendant de jouer Dur sur une prise. On a toujours joué trois ou quatre fois plus dur en studio que même par rapport à la scène. Nous avions peur que le business s’effondre et de nous retrouver au chômage, donc on a pris tous les engagements qu’on pouvait et nous avons inventé et joué dur pour que les affaires continuent de marcher.
Note du traducteur : J’ai demandé à Carol ce que ça signifiait quand elle disait « Jouer dur » si cela voulait dire jouer plus fort ou est-ce que c’était faire un effort spécial pour jouer vraiment bien, voilà sa réponse :
Jouer dur signifie les deux, jouer très sûrs de nous-mêmes pas vraiment fort en niveau sonore, pas de manière appliquée non plus, on ne joue pas bien de manière appliquée, mais plutôt puisque nous étions des musiciens de Jazz jouez très positivement sûrs de nous-mêmes, comme aucun des enregistrements n’était du Jazz, on pouvait jouer à un dixième de nos connaissances comme un professeur qui récite son B A B A alors qu’il pourrait écrire des essais complexes sur l’histoire de la littérature, c’était facile.
Nous ne faisions aucune faute et composions nos lignes la plupart du temps fiers comme des coqs de notre savoir, jouant plus fort et plus sûr qu’aucun groupe de musiciens sur scène. C’est épuisant de jouer comme ça, on y laissait beaucoup de force, spécialement heure après heure dans les innombrables prises que nous demandaient certains producteurs comme Phil Spector (sans raison valable puisque de toute façon, il n’utilisait probablement que la prise numéro 2 sur les 30 autres qu’il avait exigés).
Nous savions que nos noms ne seraient pas mentionnés sur les pochettes d’albums. Notre équipe enregistrait tous les tubes de tous les artistes, mais sans aucune reconnaissance parce que nos noms n’apparaissaient jamais. C’était important que le public puisse avoir l’illusion que les artistes étaient seuls à fabriquer la musique. Mais non, ce n’était pas eux, tout cela n’était qu’un gros MENSONGE. Nous n’étions pas dupes et l’on continuait de bosser comme si cela allait s’arrêter un jour. On pensait qu’un jour la vérité éclaterait et qu’on saurait que c’était nous derrière qui assurions le boulot, mais finalement ça ne s’est pas fait. Dans les années 1970 alors que les jeunes musiciens se droguaient, cela prenait des mois pour faire des albums, les synthétiseurs ont alors pris le dessus. Notre équipe ne travaillait alors plus que pour des bandes-sons de films et de spectacles télévisés, mais chez nous, il n’y avait pas de drogue.
Quels sont les conseils que tu donnerais aux aspirants musiciens qui te lisent ?
Apprenez les notes issues des accords, étudiez et entraînez vous une heure par jour ( seulement deux heures quotidiennes s’il s’agit de Jazz, PAS PLUS …..simplement parce que le cerveau n’assimile plus après deux heures et ne faites pas ce travail machinalement ) avec de la matière on apprends et on fait beaucoup avec une heure de pratique. C’est la qualité du travail et non la quantité ne terme de temps qui va vous améliorer. Ne prenez pas de drogues……pourquoi faire cela , il n’y a que les ratés qui le font et qui se traînent dans leur petit monde imaginaire. Appréciez plutôt de jouer de la musique avec de bons musiciens. Ne restez pas dans l’entourage des drogués laissez les dans leur terrain de jeu. Allez vers la musique, jouez bien et les choses arriveront, il se présentera toujours des opportunités si vous y êtes préparés. Ayez l’honnêteté de ne pas arrivé en retard au travail, répondez toujours au téléphone, soyez responsables et vous réussirez, c’est garanti avec cet état d’esprit et du travail régulier vous deviendrez de bons musiciens expérimentés.
La crise du disque, l'individualisme forcé de ceux qui arrivent à vivre de la musique, le formatage des musiques, est-ce que tu penses que la pente est irréversible ou est-ce que tu entrevois des solutions ?
Tout d'abord j'applaudis le monde digital, on peut faire tellement de choses avec, c’est une super technologie si on l’utilise correctement. Tout est en train de se modifier au sujet de ce que va être le travail en ce moment. Je vois du boulot à la pelle pour les orchestres privés qui jouent les standards appréciant ensemble un bon niveau de pratique professionnelle, une bonne respectabilité et pas mal d’argent à la clé. C’est dans le secteur privé et pas spécialement en boite de nuit que ça se passe de nos jours et c’est grâce à l’Internet que ces opportunités ont évolué encore d’avantage vers le secteur public notamment. Je pense qu’il n’y a jamais eu autant de possibilité de promouvoir son travail, marketing via la toile, vente de Cd, site Web. Le bon vieux temps est bien révolu même s’il reste une industrie mais qui n’a plus grand chose à voir. C’est important d’améliorer son jeu, mûrir, soigner sa personnalité en adoptant une attitude juste (pas de drogue) et de poursuivre en aidant les propriétaires de night-clubs à faire de l’argent pour que vous puissiez en récupérer aussi. Arrêtez de rêver de devenir une star tout ça n’est qu’une image factice minutieusement construite pour le BUSINESS ce n’est pas réel, arrêtez de le croire, redescendez sur terre et faites ce qui est le mieux pour vous gagnez de l’argent en jouant le mieux possible. C’est comme dans ses publicités qui vantent le fait de devenir riche très vite, les gens vraiment riches ne sont pas dans ces plans là. Cette image d’une star qui voyage le téléphone à l’oreille c’est juste une image de Business. Restez aussi à l’écart de ceux qui veulent devenir des stars ou rêvent de reconnaissance, ils n’ont pas toute leur présence d’esprit. Les vraies stars sont elles très discrètes, humbles et se sont élevées à force de Travail y compris sur leur personne.
Dans le même registre penses-tu qu'Internet puisse être un facteur déclenchant, un contre-pouvoir, une contre-culture, bref une ouverture de plus pour le musicien ou crois-tu à l'inverse que la toile va nous isoler encore plus ?
Je n'en ai aucune idée mais c'est un bon outil d'auto promotion pour la vente de Cd et ça peut être un bon départ pour donner le suivi de tes dates de tournée si tu as un groupe.
Sans rentrer dans un haut débat philosophique, penses-tu que le musicien a son mot à dire face aux cris d'alarme que la planète émet un peu partout, réchauffement, conflit, course à la productivité ? Ou penses-tu au contraire que le musicien doit rester dans sa bulle et ne pas pratiquer le mélange des genres ?
Je dirai oui. J’applaudis le dévouement de Sting pour notre environnement, nous sommes plus en harmonie avec le monde à un niveau très profond grâce à la musique que nous jouons et que nous ressentons. C’est un niveau très profond et indicible de communication et « nous sommes en contact, relié » je le crois très fort. Nous ressentons la souffrance des animaux, des oiseaux et c’est bien que les musiciens fassent ce qu’ils peuvent pour aider. Quand nous aurons souiller le monde, nous ne pourrons pas tout déménager pour aller vivre sur Mars. La terre est notre maison et c’est un crime contre Dieu d’agir de la sorte envers la faune et la flore. La vie nous a été donnée sur cette planète et nous devrions la protéger spécialement contre les maux provoqués par l’industrie pétrolière et par les autres énergies à la base de nos économies quel crime, cela détruit notre monde. C’est un problème auquel nos enfants vont se trouver confrontés. Je suis optimiste et espèrent que les gens deviendront plus sages et résolvent ces gros problèmes mais ça à l’air terrifiant aujourd’hui, n’est ce pas ?
La ou les questions que tu aurais voulu que je te pose, tu peux me les rajouter ici en conclusion elles seront les bienvenues
Si on considère la crise actuelle au niveau mondial, toutes ces ressources naturelles pillées ça devrait être la responsabilité de tous les musiciens d’avoir la tête claire (arrêtez de prendre des drogues ) et d’arrêtez de se cacher la réalité. Nous pouvons faire une différence. Redressez vous et soyez fier de votre corps et de l’esprit que Dieu vous a donné, arrêtez d’essayez de les détruire.
Sortez et jouez de la bonne musique, arrêtez de vous écouter et de vous dorloter, exprimez vos sentiments les plus profonds dans la musique et soyez confiant que votre vie à un but, un vrai but utile qui fera que vos talents offerts par Dieu contribueront à améliorer le monde. Si jamais vous vous concentrez sur un objectif qui vous dépasse, vous trouverez un bonheur et un but dans vos efforts. Dans ce job de musicien de studio, nous avons toujours su que nous jouerons bien que l’argent arriverait et ça a toujours été le cas…….allez donc dans ce sens….
www.carolkaye.com
....Voilà l'échange de ce moment passé avec Carol.
Bruno Chaza
www.brunochaza.com
Traduction Sylvain Barthel, nanookanono
Bonsoir Carol, ne m'en veut pas si ce moment te semble un peu déroutant, je voudrais un peu casser cette image que l'on peut avoir des musiciens dans les magazines et ailleurs.
On y parle de tout sauf de musique, c'est à qui joue le plus vite, le mieux, on y parle de gammes et des dieux qu'on idolâtre, c’est pour moi souvent triste.
Du narcissisme, du déballage, de l’inventaire, bref tout ce que je n’aime pas. Je recherche plutôt des gens simples, authentiques qui aiment la musique pour ce qu’elle est, les émotions avant la technique, la basse dans un orchestre comme un tout, non pas comme un véhicule de course.
C’est tellement intéressant d’entendre parler les musiciens de leurs états d’âme, de leurs souvenirs, de leurs espoirs, de leurs projets, de leurs moteurs. Qu’est-ce qui les pousse à avancer, qu’est-ce qui les fait travailler, leurs coups de cœur et leurs desespoirs.
· « Oui Bruno, je pense que c’est très important d’en savoir un peu plus sur un musicien, savoir comment il a mené sa carrière, à quoi il pense. Pourtant, la plupart n’en révèleront jamais grand-chose. Je pense que c’est dans la nature des musiciens d’avoir peur de dire en « mots » les choses qu’ils préfèrent exprimer en musique.
Carol, pourrais-tu nous parler de ton actualité et de tes projets ?
· Je travaille sur un projet de film, un projet pédagogique pour le Jazz qui va bientôt sortir en DVD. J’ai également un projet d’album (sur la basse) qui va sortir avec une grande star avec de la musique que j’aime beaucoup, mais je ne peux révéler le nom de la chanteuse.
On me dit de ne pas le faire pour l’instant, c’est une grande chanteuse et j’espère vraiment faire aboutir tout cela.
· Je n’accepte plus les séances d’enregistrements et ne prends des engagements pour des films qu’occasionnellement et uniquement ceux qui me plaisent. Il n’y a plus dorénavant tout ce travail dans les studios de Hollywood comme cela a pu être le cas à une époque.
Je me suis aussi remis à jouer de nouveau de la guitare jazz (à l’origine, j'étais guitariste de jazz dans les années 50). Il y a aussi mon documentaire « La première dame de la Basse » qui a été montré en Europe dans trois pays et qui va sortir au Canada et ailleurs. Ce fut une année excitante et il y a encore plein d’autres choses en phase d’aboutissement et dont je ne peux encore parler.
Sur quel album aimerais-tu que l'on t'écoute, demain, je veux acheter un Cd où tu joues, qu'est-ce que tu me conseilles ?
· Ah voilà une question bien ardue, c’est sûr que j’ai fait tellement de choses en studio (la plupart de ce qu’on élimine n’était que du surf rock, des bons grooves certes, mais pas notre musique préférée), mais je suis fière de probablement « Feeling allright » de Joe Cocker, « I don’t need no doctor » et bien d’autres morceaux de Ray Charles, « The way we were » de Barbara Streisand et toutes les émissions de télé comme peuvent l’être « Mission Impossible « « Kojac » « Streets of San Francisco » « Mac Cloud » « MASH » « It takes a theif » « Ironside » « Room 222 » ceux des premiers spectacles télés de Bill Cosby (approximativement vers 1969-1970 et quelques tubes comme ceux avec Andy Williams, Lou Rawls, certaines choses des Beach Boys que j’aimais bien, des trucs de Mel Torme, Oc Smith, « The in crowd » tube avec Doobie Gray. En fait, il y a plein d’enregistrements que j’aime particulièrement sans pouvoir dire d’en avoir préféré un aux autres.
Est-ce que tu écoutes encore maintenant des musiciens qui te donnent de l'énergie et de la force, peux-tu nous en parler ?
· À l’origine, j’étais musicienne de Jazz (comme la plupart des musiciens de studio) et il est vrai que c’est cette musique qui m’inspire encore et depuis toujours, spécialement quand j’écoute le géant Sonny Stitt. J’adore aussi la musique classique.
Quels instruments utilises-tu ?
· En studio et sur scène, j'utilise UNIQUEMENT la superbe basse Ibanez SRX700…..comme toujours, je n’ai que deux basses. Ici les musiciens de studio ne sont pas des collectionneurs et nous n’avons que ce dont nous avons besoin plus un instrument de rechange. Je sais qu’ailleurs, que d'autres ont une multitude de basses, mais pour ma part, j'obtiens des sons très diversifiés d’une seule basse comme nous l’avons toujours fait ici et je ne vois pas le besoin d’avoir tout un arsenal d'instruments, j’ai déjà assez de travail comme ça.
Je me sens tout à fait à l’aise avec l’Ibanez depuis qu’ils ont rendu leurs manches plus épais même avec mes petites mains.
J’ai besoin d’une certaine épaisseur de bois pour ne pas avoir de crampes à la main pendant que je joue. Et l’Ibanez c’est la qualité en long, en large et en travers et maintenant avec ce manche parfait, c'est terrible.
Je ne changerai jamais les micros non plus, (j’utilise seulement le micro du côté manche), car ces micros d’origine sont géniaux, ils sonnent naturels et obtiennent tous les sons Fender que je veux et aussi tous les sons superbes que j’adore. Avec les cordes fantastiques Thomastik Jazz filets plats (mariées avec ma technique pour étouffer le son et mon jeu au médiator près du manche avec le poignet à plat), j’obtiens des sons phénoménaux.
As-tu ta basse de prédilection ou est-ce que tu adoptes plusieurs instruments suivant les styles et les fonctions ?
· J’utilise la guitare électrique Ibanez avec un micro spécial : Le Seymour Duncan Hambucker (là encore uniquement avec le micro manche pour avoir des beaux sons épais et graves de Jazz) L’Ibanez que j’utilise est la RG321 avec les cordes Jazz filées plat Georges Benson, les micros Seymour Duncan. Alors la grande Ibanez qu’on considère comme une guitare pour le « Rock » grâce à ses qualités devient une GRANDE guitare pour le Jazz. J’ai joué dans les clubs, fait des chorus jazzy avec et des guitaristes qui seraient arrivés avec leurs guitares acoustiques ou électriques à 5000 dollars en seraient tombés bouche bée……..parce qu’ils n’arriveraient PAS à avoir un son Jazz aussi bon que celui que j’ai avec ma guitare à 350 Dollars équipée juste comme il faut pour le bon Jazz. Les sons sont phénoménaux. Ibanez est la seule firme que j’adore, ils savent écouter les musiciens et ont l’honnêteté de sortir des instruments d’une qualité de haut de gamme et ce même directement de leurs chaînes de fabrication. De la qualité qui dure. Leurs micros de Basse sont LE TRUC pour des bons sons de basse diversifiés. Je n’ai besoin de rien d’autre que leurs micros d’origine. Pour la guitare, si j’ai besoin des micros Duncan qu’ils utilisent dans la conception de beaucoup de leurs modèles de guitares électriques et acoustiques. Excellent !!
Ton passé musical en tant qu'étudiant est-il uniquement Jazz ?
· Je n’enseigne plus vraiment que du Jazz maintenant, avant, j'enseignais de tout et dans le futur, je ferai occasionnellement une exception.
J’ai enseigné la musique (sauf dans les Sixties qui furent des années de studio très chargées) et je n’ai plus la patience que j’avais à l’époque, ce qui explique que je n’enseigne plus que le Jazz, c'est la seule musique que je choisisse réellement de jouer en dehors de mon travail de studio qui résulte également d’un choix personnel.
Je n’enseigne qu’à des musiciens professionnels et il y en a qui viennent même d’Europe en avion pour des leçons et c’est agréable de voir le dévouement à apprendre le vrai Jazz et pas cette affaire de gammes, de notes pour sourds.
On ne peut jouer de bons solos de Jazz avec des gammes de notes. Ils ont tous besoin de la structure des accords que j’enseigne.
J’ai joué avec les plus grandes légendes du Jazz autour de Los Angeles spécialement dans les night-clubs noirs des années 50 et j’enseigne la manière dont tout le monde pratiquait des belles improvisations de Jazz à l’époque.
On ne peut pas apprendre à jouer du bon Jazz avec ces terribles notes des gammes justes bonnes à tuer l’oreille telles qu’elles sont enseignées couramment maintenant par d’anciens musiciens rockers, ceux-là n’ont eu aucun liens avec les bons vieux musiciens de Jazz qui leur auraient apporté quelque expérience pour enseigner, cependant petit à petit ceux qui sont vraiment dévoués apprennent les progressions d’accords et les accords dérivés pour enseigner le jazz en achetant mes méthodes sur le même sujet.
De temps en temps, vous pourrez rencontrer un musicien de Jazz plus âgé qui enseigne ici ou là. C’est la même théorie : les accords.
· J’en ai formé beaucoup dans le passé sur la manière de créer du jeu dans l’esprit du Soul ou des lignes funky de boogaloo ou aussi des lignes de style pop-rock-blues-motown, hé bien, il n’y a qu’une théorie qui englobe tout ça, qui n’est pas connue en général du public et qui concerne l’utilisation rythmique de certaines notes, mais chacun peut trouver cela très bien expliqué dans tous les contenus de mes nombreuses méthodes.
As-tu l'impression de t'être approprié des clés dans ton parcours, une façon particulière de traiter une cadence ou un accord, bref comment et par quel moyen la technique a laissé le pas à la liberté dans ton jeu ?
C’est important d’avoir la formation adéquate pour apprendre la bonne manière de jouer, c’est un processus qui prend du temps et j’ai vu beaucoup d’anciens élèves persévérer jusqu’à devenir célèbres pour la qualité de leur jeu, mais ça a pris du temps.
Vous apprenez, vous vous entraînez, vous boeuffez, vous faites quelques sessions, vous apprenez davantage et petit à petit, vous aurez l’expérience requise pour la plupart de situations de jeu. Quand on apprend à jouer du Jazz, cela rend tout ce processus efficace parce que c’est la forme musicale la plus complexe et la plus créative à assimiler. Ensuite, on peut se rendre compte qu’on peut jouer dans tous les styles voulus avec la bonne attitude qui est d’être un bon musicien pro et quel que soit le type de musique. C’est ce qui s’appelle être polyvalent et ce n’est pas compatible avec les drogues ou l’excès d’alcool. Aucun des musiciens de studio de notre communauté des sixties ne s’adonnaient à ce genre d’excès. Nous sortions d’une époque où nous savions que prendre des drogues était stupide, j’en pense la même chose encore aujourd’hui. Nous étions capables de créer et d’enregistrer un album de tubes en six heures sans aucun problème.
Bien sûr, la plupart d’entre nous possédaient leurs accords. Il fallait être prêt à jouer toutes sortes de standards et dans toutes les tonalités, ça aide pour le développement de la feuille. Nous avions déjà tous une solide expérience en Jazz et en formation de Big-bands, des tas d’années d’expérience avant tout ce travail de studio. L’éducation musicale des années 40 et 50 était basée sur le travail des accords et c’est ce qui manque aujourd’hui.
Et toutes ces drogues qui tournent, qui essaient-ils donc d’impressionner avec cela ? tout cela est tellement stupide, personne ne pourra apprendre à jouer sous l’effet de la dope. S’il fallait travailler avec quelqu’un shooté, il vous faudrait le « porter ».
Ils se précipitent sur leurs rails de coke ou leurs pétards et ensuite, c'est vous qu’ils entraînent vers le fond avec leurs vies de parasites en retour à l’amitié que vous leur avez portée.
Gare, méfiance, laissez donc les junkies et les accrocs seuls avec leurs stupidités et partez donc faire votre musique avec les idées claires, ça ira bien mieux comme ça et on en est plus heureux.
Je n’ai jamais rien programmé sur quoi que ce soit, ce sont juste les choses qui sont arrivées et il ne s’agissait toujours de rien d’autre que de faire vivre ma famille qui grandissait. Simplement, je me suis aussi trompé avec mes mariages, mon premier mari était un homme d’affaires qui frappait mon enfant, et le suivant était aussi alcoolique et stupide.
Par la force des choses, j’ai dû élever mes trois enfants seule et j’en suis d’autant plus reconnaissante envers ce travail que j’ai effectué en studio. Spécialement d’ailleurs les séances pour la Capital Records à un moment où ça n’intéressait personne.
J’ai bossé, enregistré, j’ai inventé mon jeu et je suis vite devenue la bassiste numéro un des années 1963 et 1964. C’était plus facile de jouer Rock aussi bien pour la basse que pour la guitare. Ça m’est arrivé de jouer de la guitare 12 cordes et toutes sortes de parties de grattes différentes sur les tubes enregistrés depuis 1957 et je n’ai pas apprécié de transformer mon jeu de guitare Jazz en un ersatz de Rock. Mais le fait de jouer ces plans à la basse m’a donné une facilité, une aisance et ça a fini par m’amuser, surtout lorsque je pouvais créer mes propres plans. Ce n’est donc pas vraiment un choix personnel ce job de session, puisque mon truc était de jouer live le Jazz. Mais le besoin de gagner ma vie et l’argent ont dicté ma conduite. C’est clair que le Jazz ne suffisait pas pour vivre et comme s’occuper de mes enfants était ma priorité, j’ai opté pour les séances. Et je n’étais pas la seule dans ce cas et en fait tous ceux qui jouaient bien se sont souvent retrouvé dans mon cas.
Ce fut merveilleux de côtoyer ce talent avec ces musiciens de studios. J’ai vécu cette époque où on avait la chance de pouvoir manger et nous n’avions pas le luxe de faire des choix et finalement tout s’est arrangé pour le mieux.
Quelles ont été les stades de ton évolution, ce qui t'a réellement permis d'avancer, les musiciens, un livre d'étude particulier, la compréhension d'un standard, un déclic personnel, une façon particulière de travailler etc… ?
J’ai grandi très pauvre, mes parents ont divorcé, déjà, nous n’avions pas grand-chose avant, alors quand mon père quitta l’état, il ne restait rien pour moi et pour ma mère. Alors, j'ai dû travailler dès l’âge de neuf ans. Nous avons bossé toutes les deux comme femmes de ménage, baby-sitter et n’importe quoi d’autre pour survivre. Comme je devais chanter partout dans l’appartement, ma mère, Dieu la bénisse, économisa des sous et m’acheta pour mes 13 ans une steel guitare bon marché à un vendeur ambulant, avec le même prix, soit 10 dollars tout compris, quelques leçons, et j’ai trouvé là quelque chose avec quoi je pouvais m’épanouir.
En plus je bégayais et des gamins passaient me prendre pour l’école du fait qu’ils étaient engagés dans un programme de « bonnes actions » scolaires.
J’ai eu de bonnes notes et des diplômes malgré cette inaptitude scolaire, c’est dire que la vie n’était pas si facile à cette époque et la musique me donnait du bonheur. Après trois mois de cours de guitare, j’ai pu commencer à assurer des sessions rémunérées et aussi donner des cours.
Croyez-moi pouvoir manger grâce à la musique m’a insufflé une sacrée motivation pour jouer. Avec Horace Hatchett qui gratuitement me donnait des cours de guitare, j’ai pu me familiariser avec les accords dans des recueils comme ceux de George Smith.
En 1949, Horace m’a engagé pour le seconder dans son enseignement. J’ai écouté les disques de Django Reinhardt, excellents, il m’a un peu influencé, mais la grosse influence pour moi vient de ce qui se passait ici. Le grand orchestre d’Artie Shaw et le Grammercy 5, le génial sextet de Benny Goodmann avec Charlie Christian à la guitare à qui j’ai emprunté beaucoup de plans, des trucs de Georges Van Eps, puis tout le restent appris sur le tas avec ce travail de sessions en Jazz depuis 1949.
L’oreille s’éduque bien en jouant les progressions d’accords, que ce soit harmoniquement ou en soliste. On comprend la bonne résolution des accords. Tout le monde jouait les standards à l’époque et éventuellement les modifications apportées aussi par les accords de substitutions utilisés dans le Be-bop, ce n’était pas dur. Vous appreniez bien sûr les gammes avec les accords, mais tout en sachant qu’ils n’étaient pas l’essentiel des idées créatrices qui, venaient-elles des notes de tensions et des substitutions d’accords, des empilements de triades, du cycle des accords et du cycle inverse, tout le monde jouait de cette manière.
J’allais toujours simultanément au collège puis au lycée tout en jouant en studio pour l’argent et je pratiquais inlassablement le Jazz pendant des heures, c’est la bonne manière de faire une fois que l’on a vraiment assimilé la progression des accords, les cadences.
Pourtant, à notre époque, je ne recommande pas plus de 1 ou 2 heures de pratique quotidienne. Pour pouvoir profiter pleinement du travail, il faut connaître suffisamment ses accords.
Ça ne peut marcher qu’à cette condition, seulement une fois que sont acquises les cadences, les marches harmoniques, les progressions d’accords.
De cette façon, vous n’apprendrez jamais littéralement par cœur un morceau, mais vous serez totalement familiarisé avec lui, car en connaissant les attirances et les résolutions d’accords, vous pourrez jouer sans même connaître la mélodie.
Il est important également de jammer, on apprend tellement dans ces moments-là, c’est une voie obligée d’apprendre en jouant avec d’autres. On me pose souvent la question de la difficulté d’être une femme au milieu des requins de studio. Or, je savais déjà qu’il y en avait eu avant moi, sans jamais de problème. À notre époque, on ne s’en souvient plus, mais il y a eut des milliers de femmes jouant du Jazz, engagées en sessions, dans les années 40 / 50 et partout aux Usa. Malgré tout, j’ai plutôt été influencé par des saxophonistes masculins comme Sonny Stitt, Sonny Criss, Charlie Parker, des gens comme Horace Silver et Hampton Hawes (si l'on se réfère au Jazz des années 50) mais aussi bien sur certaines périodes de Miles Davis.
J’ai toujours su qu’on n'apprend pas l’improvisation, la vraie en jouant par-dessus les disques. Ce n’est pas en bossant les transcriptions et en copiant les solos qu’on puise à l’intérieur de soi du neuf : on ne fait que copier.
Évidemment, on peut piquer des plans et les replacer, mais ce système ne permet pas d’être totalement libre en improvisation. En fait, en faisant cela, vous vous direz « j’ai besoin de repiquer des plans, des chorus parce que je ne suis pas assez bon pour apprendre comment le faire moi-même » tout repose sur la bonne compréhension des accords et le reste s’acquiert en jouant avec d’autres musiciens, l’expérience se complète avec les engagements et on atteint alors un bon niveau pour la scène.
Quelles sont les affinités propres à ton jeu, trio, quartet, y-a t'il selon toi une formule qui fait passer le mieux ce que tu as à dire ou est ce suivant l'humeur ?
Pas de préférence si les musiciens sont bons, tu peux facilement jouer avec n’importe quelle formule et ce sera bien.
Dans le même style de question as-tu un tempo, ton tempo, lequel ? Qu'elles sont les tonalités que tu apprécies et dans lesquels tu navigues en liberté ?
Pas de préférence. Les standards sont souvent écrits pour les armatures en bémols, car les soufflants utilisent ces tonalités spécifiques.
Considères-tu la basse comme l'instrument du groove ou es-tu de ceux qui aiment aussi la liberté en solo et en accords ?
Je n’utilise jamais la basse qu’autrement qu’instrument servant de fondement. Je connais d’autres musiciens qui parfois jouent la basse comme soliste, c'est bien (pas vraiment les meilleurs pros, pourtant ils partent en solo en jazz, oui, c'est sûr, mais dans une configuration de combo) c’est bien quoi qu'il en soit.
Deux basses dans un orchestre comme Coltrane l'a expérimenté, tu penses que ça peut orienter la musique vers quelle direction ?
De tout temps, on a déjà utilisé deux basses dans certains styles, c’était courant dans les premiers enregistrements d’avoir à la fois une contrebasse et une basse électrique avant que j’arrive pour jouer au médiator en 1963 et que je prenne accidentellement la place de deux basses dans la plupart des sessions d’enregistrements. Je pouvais obtenir le son des deux basses sur la basse électrique. Au sujet de cette histoire de deux basses, j’ai joué des choses intéressantes avec Ray Brown sur des partitions de Quincy Jones pour des films ça sonnait particulièrement bien sur des choses un peu sentimental, ces morceaux sont maintenant disponibles sur « Carol Kaye Bass » pendant une période cela a été piraté sur « Picking up the E string » (je ne reçois pas un sou sur ce disque volé s’il vous plait ne l’achetez pas, c’est un enregistrement pirate, vous aurez une meilleure version avec les bons mixages sur mon Carol Kaye Bass) Je n’ai pas d’opinion concernant l’utilisation de deux basses par Coltrane.
Peux-tu nous décrire une semaine type de ta vie de musicien, cours, séances répétitions, travail personnel ?
Une fois que tu as joué en studio pendant disons 12, 14 voir 16 heures par jour, quel temps te reste-t-il pour t’entraîner ? comme tu joues tout le temps, tu atteins un certain haut niveau de jeu et tu ne t’entraînes plus (le travail de studio c’est un business, ce n'est pas du Jazz ).
Par contre, il faut bien sûr s’entraîner pour jouer Jazz ou une autre musique complexe, mais pour ce qui est d'enregistrer, aucun d’entre nous n’a jamais joué nulle part à un niveau approchant notre niveau de musicalité en Jazz.
Tu n’as pas besoin de t’entraîner du tout et en fait quand j’arrivais à la maison, je devais dire aux gosses : « fermez la radio, je ne supporte plus une note de musique supplémentaire ».
De jouer tant de musique six jours sur sept, année après année, te dégoûte d’écouter quelque musique que ce soit. Maintenant, je suis une des très rares parmi les quelque cent musiciens de studios de l’époque à écouter n’importe quel style de musique ; si tu entres chez ces autres musiciens de studio, il y règne un silence de mort. C’est difficile au public de pouvoir comprendre cela, mais cela vient du fait que ce public n’est pas obligé de travailler 12 jours par jour, six jours sur sept de la musique en studio.
Un jour ordinaire de mes années sixties et seventies était : Lever à 7 heures, déjeuner vite fait, prendre une douche et hop direction les studios de cinéma pour des prises de film jusque vers les 17 heures. Rentrer à la maison en vitesse pour grignoter quelque chose et repartir aux studios d’enregistrement pour une séance de 20 heures à 23 heures et souvent en général beaucoup plus tard. Parfois, je ne rentrais pas à la maison avant 1 heure du matin. Fréquemment, je prenais un engagement de 18 heures à 19 heures pour un enregistrement, ce qui fait que je n’avais même pas le temps de rentrer chez moi pour grignoter, je mangeais sur place sur le pouce en coup de vent. Comme les emplois du temps débordaient, je devais prendre occasionnellement des remplaçants pour commencer les séances à ma place en attendant mon arrivée qui survenait avec de temps en temps 10 ou 15 minutes de retard.
C’était inconcevable d’être en retard pour une session parce que les règles du Syndicat étaient telles que si jamais une séance partait hors délai, je devais rembourser l’intégralité de ce dépassement, ce qui s’élevait à l’époque à 1000 dollars. Nous ne devions jamais être en retard, je devais me payer les services de taxi ou autre compagnie pour emmener un de mes quatre amplis et installer mon matériel en studio, je courais avec ma basse, l’ampli devait être allumé, j’avais juste le temps de me brancher, de m’accorder et d’être prête pour jouer, le stylo à la main notant les différents plans et passages imposés que je devais exécuter.
Au début des sixties, il fallait faire nos propres arrangements, souvent de tête, mais parfois aussi, nous écrivions les grilles, car certains chanteurs arrivaient aux studios avec une guitare en chantant leurs chansons voir en s’accompagnant du piano, il fallait donc tout déchiffrer et transcrire sur grille.
Ensuite petit à petit des arrangeurs sont venus dans le métier écrire les grilles ainsi que quelques lignes et gimmicks, mais la plupart des maisons de disques se reposaient musicalement sur notre groupe de 50 à 60 musiciens de studios (appelée la clique) pour ce job, parce que généralement nos idées d’arrangement sonnaient bien mieux.
À partir des années 1965 / 1966 la lecture a vraiment fait son apparition malgré tout, ils avaient besoin de nous pour corriger certaines lignes écrites. C’était toujours très facile pour nous puisque nous venions du Jazz d’écrire des lignes pour mettre en valeur la mélodie ou le chanteur souvent un peu banal et croyez-moi au départ ces morceaux n’étaient réellement pas géniaux. Les arrangements que nous mettions en place apportaient concrètement un plus au morceau et au chanteur. Avec cela, nous avions d’excellents ingénieurs du son à ces époques, des gars qui entraient dans le studio pour écouter notre son (tu apprends à étouffer pour obtenir d’excellents sons en studio et ça marche aussi sur scène) et ils ont reproduit sur disque exactement les sons que nous utilisions en séance.
L’honnêteté des ingénieurs était telle qu’ils n’utilisaient ils n’en avaient pas besoin) ni équalisation, compression ou autres effets et c’est bien pourquoi cette musique sonne de manière aussi puissante. Est-ce que j’étais fatiguée ? Oui, bien sûr en vivant tous avec une moyenne de 5 ou 6 heures de sommeil, la plupart du temps j’étais vraiment à la limite, ne tenant debout qu’avec l’aide de ma grosse consommation de café. Il y avait plusieurs producteurs (sans aucune raison autre que d’être derrière la console et faire des essais) qui faisaient jusqu’à 25 ou 30 prises voire plus.
Ce n’était pas la faute des musiciens, mais la leur : ils essayaient d’apprendre leur métier pendant leur travail. Nous étions capables de mettre en boite un morceau en une ou deux prises, mais au lieu de ça, pour une raison ou une autre, nous attendions leur bon vouloir en essayant de ne pas trop gamberger en buvant du café et en fumant des clopes, on gardait l’énergie et on se défoulait en balançant des blagues du premier degré.
Tu serais resté plié en deux tellement nos vannes étaient super en attendant de jouer Dur sur une prise. On a toujours joué trois ou quatre fois plus dur en studio que même par rapport à la scène. Nous avions peur que le business s’effondre et de nous retrouver au chômage, donc on a pris tous les engagements qu’on pouvait et nous avons inventé et joué dur pour que les affaires continuent de marcher.
Note du traducteur : J’ai demandé à Carol ce que ça signifiait quand elle disait « Jouer dur » si cela voulait dire jouer plus fort ou est-ce que c’était faire un effort spécial pour jouer vraiment bien, voilà sa réponse :
Jouer dur signifie les deux, jouer très sûrs de nous-mêmes pas vraiment fort en niveau sonore, pas de manière appliquée non plus, on ne joue pas bien de manière appliquée, mais plutôt puisque nous étions des musiciens de Jazz jouez très positivement sûrs de nous-mêmes, comme aucun des enregistrements n’était du Jazz, on pouvait jouer à un dixième de nos connaissances comme un professeur qui récite son B A B A alors qu’il pourrait écrire des essais complexes sur l’histoire de la littérature, c’était facile.
Nous ne faisions aucune faute et composions nos lignes la plupart du temps fiers comme des coqs de notre savoir, jouant plus fort et plus sûr qu’aucun groupe de musiciens sur scène. C’est épuisant de jouer comme ça, on y laissait beaucoup de force, spécialement heure après heure dans les innombrables prises que nous demandaient certains producteurs comme Phil Spector (sans raison valable puisque de toute façon, il n’utilisait probablement que la prise numéro 2 sur les 30 autres qu’il avait exigés).
Nous savions que nos noms ne seraient pas mentionnés sur les pochettes d’albums. Notre équipe enregistrait tous les tubes de tous les artistes, mais sans aucune reconnaissance parce que nos noms n’apparaissaient jamais. C’était important que le public puisse avoir l’illusion que les artistes étaient seuls à fabriquer la musique. Mais non, ce n’était pas eux, tout cela n’était qu’un gros MENSONGE. Nous n’étions pas dupes et l’on continuait de bosser comme si cela allait s’arrêter un jour. On pensait qu’un jour la vérité éclaterait et qu’on saurait que c’était nous derrière qui assurions le boulot, mais finalement ça ne s’est pas fait. Dans les années 1970 alors que les jeunes musiciens se droguaient, cela prenait des mois pour faire des albums, les synthétiseurs ont alors pris le dessus. Notre équipe ne travaillait alors plus que pour des bandes-sons de films et de spectacles télévisés, mais chez nous, il n’y avait pas de drogue.
Quels sont les conseils que tu donnerais aux aspirants musiciens qui te lisent ?
Apprenez les notes issues des accords, étudiez et entraînez vous une heure par jour ( seulement deux heures quotidiennes s’il s’agit de Jazz, PAS PLUS …..simplement parce que le cerveau n’assimile plus après deux heures et ne faites pas ce travail machinalement ) avec de la matière on apprends et on fait beaucoup avec une heure de pratique. C’est la qualité du travail et non la quantité ne terme de temps qui va vous améliorer. Ne prenez pas de drogues……pourquoi faire cela , il n’y a que les ratés qui le font et qui se traînent dans leur petit monde imaginaire. Appréciez plutôt de jouer de la musique avec de bons musiciens. Ne restez pas dans l’entourage des drogués laissez les dans leur terrain de jeu. Allez vers la musique, jouez bien et les choses arriveront, il se présentera toujours des opportunités si vous y êtes préparés. Ayez l’honnêteté de ne pas arrivé en retard au travail, répondez toujours au téléphone, soyez responsables et vous réussirez, c’est garanti avec cet état d’esprit et du travail régulier vous deviendrez de bons musiciens expérimentés.
La crise du disque, l'individualisme forcé de ceux qui arrivent à vivre de la musique, le formatage des musiques, est-ce que tu penses que la pente est irréversible ou est-ce que tu entrevois des solutions ?
Tout d'abord j'applaudis le monde digital, on peut faire tellement de choses avec, c’est une super technologie si on l’utilise correctement. Tout est en train de se modifier au sujet de ce que va être le travail en ce moment. Je vois du boulot à la pelle pour les orchestres privés qui jouent les standards appréciant ensemble un bon niveau de pratique professionnelle, une bonne respectabilité et pas mal d’argent à la clé. C’est dans le secteur privé et pas spécialement en boite de nuit que ça se passe de nos jours et c’est grâce à l’Internet que ces opportunités ont évolué encore d’avantage vers le secteur public notamment. Je pense qu’il n’y a jamais eu autant de possibilité de promouvoir son travail, marketing via la toile, vente de Cd, site Web. Le bon vieux temps est bien révolu même s’il reste une industrie mais qui n’a plus grand chose à voir. C’est important d’améliorer son jeu, mûrir, soigner sa personnalité en adoptant une attitude juste (pas de drogue) et de poursuivre en aidant les propriétaires de night-clubs à faire de l’argent pour que vous puissiez en récupérer aussi. Arrêtez de rêver de devenir une star tout ça n’est qu’une image factice minutieusement construite pour le BUSINESS ce n’est pas réel, arrêtez de le croire, redescendez sur terre et faites ce qui est le mieux pour vous gagnez de l’argent en jouant le mieux possible. C’est comme dans ses publicités qui vantent le fait de devenir riche très vite, les gens vraiment riches ne sont pas dans ces plans là. Cette image d’une star qui voyage le téléphone à l’oreille c’est juste une image de Business. Restez aussi à l’écart de ceux qui veulent devenir des stars ou rêvent de reconnaissance, ils n’ont pas toute leur présence d’esprit. Les vraies stars sont elles très discrètes, humbles et se sont élevées à force de Travail y compris sur leur personne.
Dans le même registre penses-tu qu'Internet puisse être un facteur déclenchant, un contre-pouvoir, une contre-culture, bref une ouverture de plus pour le musicien ou crois-tu à l'inverse que la toile va nous isoler encore plus ?
Je n'en ai aucune idée mais c'est un bon outil d'auto promotion pour la vente de Cd et ça peut être un bon départ pour donner le suivi de tes dates de tournée si tu as un groupe.
Sans rentrer dans un haut débat philosophique, penses-tu que le musicien a son mot à dire face aux cris d'alarme que la planète émet un peu partout, réchauffement, conflit, course à la productivité ? Ou penses-tu au contraire que le musicien doit rester dans sa bulle et ne pas pratiquer le mélange des genres ?
Je dirai oui. J’applaudis le dévouement de Sting pour notre environnement, nous sommes plus en harmonie avec le monde à un niveau très profond grâce à la musique que nous jouons et que nous ressentons. C’est un niveau très profond et indicible de communication et « nous sommes en contact, relié » je le crois très fort. Nous ressentons la souffrance des animaux, des oiseaux et c’est bien que les musiciens fassent ce qu’ils peuvent pour aider. Quand nous aurons souiller le monde, nous ne pourrons pas tout déménager pour aller vivre sur Mars. La terre est notre maison et c’est un crime contre Dieu d’agir de la sorte envers la faune et la flore. La vie nous a été donnée sur cette planète et nous devrions la protéger spécialement contre les maux provoqués par l’industrie pétrolière et par les autres énergies à la base de nos économies quel crime, cela détruit notre monde. C’est un problème auquel nos enfants vont se trouver confrontés. Je suis optimiste et espèrent que les gens deviendront plus sages et résolvent ces gros problèmes mais ça à l’air terrifiant aujourd’hui, n’est ce pas ?
La ou les questions que tu aurais voulu que je te pose, tu peux me les rajouter ici en conclusion elles seront les bienvenues
Si on considère la crise actuelle au niveau mondial, toutes ces ressources naturelles pillées ça devrait être la responsabilité de tous les musiciens d’avoir la tête claire (arrêtez de prendre des drogues ) et d’arrêtez de se cacher la réalité. Nous pouvons faire une différence. Redressez vous et soyez fier de votre corps et de l’esprit que Dieu vous a donné, arrêtez d’essayez de les détruire.
Sortez et jouez de la bonne musique, arrêtez de vous écouter et de vous dorloter, exprimez vos sentiments les plus profonds dans la musique et soyez confiant que votre vie à un but, un vrai but utile qui fera que vos talents offerts par Dieu contribueront à améliorer le monde. Si jamais vous vous concentrez sur un objectif qui vous dépasse, vous trouverez un bonheur et un but dans vos efforts. Dans ce job de musicien de studio, nous avons toujours su que nous jouerons bien que l’argent arriverait et ça a toujours été le cas…….allez donc dans ce sens….
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