Laurent Cokelaere Interview
- Bruno Chaza
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Laurent Cokelaere Interview
Bonjour à tous
On inaugure cet espace avec l'aide précieuse de Laurent Cokelaere qui inaugure cette formule.
Un plaisir de partager avec Laurent, voilà l'échange de ce moment.
Bruno Chaza
www.brunochaza.com
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YouTube : https://www.google.fr/search?dcr=0&ei=g ... A59LpIVeNU
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Extraits de bio
Laurent Cokelaere joue de la basse (électrique - acoustique - contrebasse) depuis le milieu des 70's.
Il a accompagné: Alan Stivell, Buzy, Jean-Claude Vannier, Ana Prucnal, Century, Michel Fugain, Bill Deraime, Richard Clayderman, Véronique Rivière, Enzo Enzo, Kent, Sheila, Michel Sardou, J.J. Milteau, Coralie Clément, Keren Ann, Yves Duteil, Antoine, Frankie Jordan, Patrick Verbeke, Nikos Aliagas & Tout Le Monde Chante, Nolwenn Leroy ...
Bassiste des 1000 choristes des Nuits de Champagne (avec Charles Aznavour, Renaud, Maurane, Michel Fugain, Daniel Lavoie, Michel Jonasz, Véronique Sanson, Bernard Lavilliers, Eddy Mitchell ...) et, depuis 2006, de l'orchestre des Victoires de la Musique.
Il a aussi occasionnellement accompagné (radios, télés, concerts, albums) : Catherine Lara, Djurdjura, Antoine Tomé, Gilbert Bécaud, Philippe Lavil, Richard Gotainer, Le Grand Magic Circus, Mighty Mo Rogers, Sue Foley, Maurane, Chance Orchestra, Autour Du Blues, Murray Head, Faudel, Pauline Croze, Liane Foly, Zoé, Patrick Bruel, Abd Al Malik, Vincent Delerm, Benabar, M, Louis Chedid, Alain Souchon, Jeanne Cherhal, Isabelle Boulay, Christophe Maé, Christophe Willem, Fatal Bazooka, Aaron, Maxime Leforestier, Diane Dufresne, Diane Tell, Gerald de Palmas, Zaz, Camélia Jordana, Stevie Wonder et ... Arlette Laguiller !!
Jazz avec Eric Lelann, Francis Bourrec, Ivan Jullien, Francis Lockwood, François Couturier, Robert Persi, Eric Séva, Khalil Chahine, Daniel Goyone, Jimi Drouillard, Denis Leloup, Benoît Widemann.
A monté ou a participé aux groupes : Polygruel, Minigruel, 9 Plus avec Ivan Jullien, le Grand Blues Band, Coketale, Cokepit, Maison Klaus avec Klaus Blasquiz, les Desktops.
Actualités
Laurent, pourrais-tu nous parler de ton actualité et de tes projets ?
Mon projet qui me tient le plus à cœur actuellement est le groupe ou plutôt le concept, Sidji Moon, créé avec mon camarade Hervé Gourdikian, qui joue du sax, des claviers et des instruments ethniques divers comme le duduk, le bansouri, le ney ; c’est un projet world-électro-jazz, conceptualisé dans le home-studio d’Hervé.
Beaucoup d’invités, Keren Ann, David Linx, Etienne Mbappé et Klaus Blasquiz comme chanteurs, plus Olivier Louvel, Jean-Michel Kajdan, Olivier Ker Ourio, Stéphane Huchard, Andy Narell et encore beaucoup d’autres, des cordes avec le quatuor d’Anne Gravoin, Nicolas Montazaud aux percussions.
Que les absents m’excusent.
Mixé par Pierre Bianchi, l’album s’appelle Nomades et sortira le 6 Mai chez Cristal Records.
C’est un bel album dont on est fiers avec Hervé.
Beaucoup de basses enregistrées, des Jazz Bass, Precision Bass, Takamine B10, Kramer Duke fretless, Musicman Stingray cinq cordes, Epiphone EA260, contrebasse, médiator, wah wah, saturation.
On est en train de monter une formule live : Olivier Louvel aux guitares, bouzouki, Manu Millot à la batterie et envoi de samples et séquences, Hervé et moi, plus envoi d’images par Fab Sanchez, qui a aussi fait notre pochette.
Plus des invités selon les dates, vaste projet.
Sinon, il y a aussi bientôt la sortie du CD live de Patrick Verbeke (Dixiefrog), enregistré en 2004 au Jazz club Lionel Hampton du Méridien Porte Maillot, à Paris.
Et aussi la prévision d’un futur album de Maison Klaus, groupe qui existe depuis 1997, dont la formation actuelle est : Klaus Blasquiz (ex-Magma) au chant et aux percussions, Gilles Erhart aux claviers, Jean-Mi Kajdan à la guitare, Éric Séva au sax, Éric Lafont à la batterie et moi-même à la basse ; on joue une sorte de rhythm’n’blues a tendance jazz, et nous composons en prévision de cet album. À suivre...
Je joue aussi avec ce groupe de reprise du répertoire motown de 1960 au début des 70’s, les Desktops.
C’est le film Motown en hommage aux Funk Brothers, paru en 2003, qui nous en a donné l’idée, nous essayons de jouer vraiment à leur manière, c’est un exercice de style.
As-tu ta basse de prédilection ou est-ce que tu adoptes plusieurs instruments suivant les styles et les fonctions ?
Si je vais jouer du blues, du jazz ou accompagner un chanteur, j’emmène en priorité une Jazz Bass Fender quatre cordes, qui est pour moi LA basse.
J’ai toutes les nuances de mon jeu avec cette basse, elle se mixe naturellement.
J’en ai cinq, modernes ou anciennes, je choisis l’une ou l’autre selon le cas, l’une a plus de grain, l’autre plus de bas et toutes me conviennent.
Mais j’ai aussi beaucoup d’autres basses que je peux utiliser pour des cas plus particuliers ou des occasions plus précises : une Precision Bass, montée en cordes à filet plat, avec un étouffoir en mousse, que j’utilise pour un son 60’s, type Motown aux doigts ou Gainsbourg au médiator ; beaucoup jouée dans l’album de Sidji Moon avec notre groupe Motown ou sur scène avec Keren Ann.
J’ai aussi cette petite basse Epiphone EA260, du début des années 70, fabriquée au Japon. Manche court montée aussi en cordes à filet plat.
Je l’ai achetée en 2004 et je m’en sers énormément depuis, elle est assez typée Hofner McCartney, mais a aussi un gros son reggae ou rhythm’n’blues.
Une Squier Katana, style Precision, montée avec des cordes en nylon ; parfaite pour un son Baby Bass salsa, presque un son de tuba.
Une Takamine B10 fretless, qui peut se jouer sur un pic comme un violoncelle ; très beau son boisé. Parfaite pour les concerts acoustiques, je l’ai beaucoup utilisée avec Enzo Enzo, avec Chris Lancry. Elle a enregistré le titre Jan sur le CD de Sidji Moon.
Quatre basses cinq cordes (avec un si grave), une Jazz Bass Fender, une Precision, une Musicman Stingray et une Epiphone électro-acoustique El Capitan ; j’utilise les 3 électriques en variété, où souvent l’arrangeur demande des tenues plus graves que le mi ou en studio quand j’ai besoin d’un do ou d'un ré dans les graves.
La Capitan est une bonne basse électro-acoustique frettée, un bon compromis entre une basse électrique et une contrebasse.
En fretless, outre la Takamine, j’ai une Kramer Duke, basse bâton achetée en 1983, un double micro Di Marzio, un manche sans tête en aluminium, une touche phénolique et cette basse sonne vraiment bien, je l’ai beaucoup utilisée dans les années 80, elle a enregistré le titre Longuéa Biño de Sidji Moon.
J’ai aussi une Jazz Bass de 1968, avec une touche en ébène, qui sonne très Pastorius.
Fred Pons, luthier de la marque Kopo, élabore actuellement une basse pour moi : cinq cordes (avec un si grave), corps et manche en acajou, capteur Schertler, micro magnétique Benedetti, c’est encore un prototype et elle sonne déjà avec un très gros son.
J’ai aussi deux contrebasses, une Allemande pas très chère, que j’utilise chez moi ou en studio avec un micro placé devant et une contrebasse électrique, fabriquée par Renaud Guillemet, modèle Bassmoody, que j’utilise amplifiée pour les concerts, dernièrement avec Patrick Verbeke, Yves Duteil ou Keren Ann.
Voilà donc mes basses de prédilection ; je précise que l’utilisation d’une basse pour un son précis, me permet de jouer d’une certaine manière qui souvent convient bien à la musique, c’est important.
J’ai aussi quelques basses « collectors » que je n’utilise pas, mais dont j’apprécie le look et l’histoire : une Framus Star-Bass, une Eko, une Emperador, une Fernandes (avec haut-parleur intégré), une Teisco-Del-Rey NB-4, une Yamaha Super Bass 800 et une Washburn Bantam double-manche.
Le passé musical, l’évolution
Ton passé musical en tant qu’étudiant est-il uniquement Jazz ?
Pour moi, il y a deux sortes d’études ;
1) Pour ma part, comme beaucoup de mes confrères, j’ai commencé en autodidacte, avec un groupe de lycée et notre écoute forcenée des groupes comme Led Zeppelin, Cactus ou Ten Years After.
Voilà le début de mes études, trouver le comment du pourquoi d’une ligne de basse, d’un doigté précis, d’un rythme saccadé.
Tout seul, sans aide, la compréhension est certainement plus longue, mais forge un style qui reste pour la vie.
Les vraies influences sont celles du commencement, celles qui marquent.
Donc ce début d’étudiant en quatre cordes a été pour moi plutôt rock ; mes influences bassistiques sont Tim Bogert (avec Cactus), Glenn Cornick (avec Jethro Tull – La Bourée !!), Jannick Top (Troc et Magma).
Puis, toujours en autodidacte, j’ai commencé à m’intéresser à d’autres musiques, plus ouvertes, plus jazz : Herbie Hancock, Weather Report, Miles Davis, Charles Mingus.
J’ai donc disséqué Paul Jackson (Headhunters), Alphonso Johnson (Weather Report), Michael Henderson, Ron Carter, Paul Chambers (diverses époques de Miles Davis), Charles Mingus.
Puis James Jamerson, Chuck Rainey, Jerry Jemmott, Bernard Paganotti, Jaco Pastorius, Rocco Prestia, Will Lee etc.
Je n’ai pris que quelques cours avec Jean-Pierre Lembert qui m’ont apporté une amélioration technique (position des mains), mais avec qui je n’ai jamais parlé de musique, bizarrement.
2) Ce n’est qu’un peu plus tard (je jouais de la basse depuis cinq ans), que j’ai abordé des études jazz, d’abord en côtoyant Tony Bonfils (qui m’a beaucoup parlé de musique), puis au Berklee College de Boston.
Ces études ont été déterminantes, elles m’ont déjà permis de mettre des points sur les i, de répondre à des questions que je me posais sans avoir de réponse, à apprendre l’harmonie, à apprendre l’arrangement et l’orchestration.
Mais je me rends compte maintenant (presque 30 ans plus tard !!!) que j’avais déjà mon style actuel, en ébauche, ces études de jazz m’ont aidé à une meilleure compréhension de la musique elle-même et à plus de subtilité dans mon jeu.
As-tu l’impression de t’être approprié des clés dans ton parcours, une façon particulière de traiter une cadence ou un accord, bref comment et par quel moyen la technique a laissé le pas à la liberté dans ton jeu ?
C’est la suite de la question précédente ; j’ai approprié une subtilité jazz dans un jeu rhythm’n’blues, voilà ma clé : avoir assez de culture musicale pour aborder des musiques différentes avec de bonnes références.
J’ai aussi toujours pensé plus à la musique qu’à mon instrument, qui n’a toujours été qu’un moyen et non un but.
Pareil pour la technique, j’ai toujours essayé d’en avoir assez pour jouer ce que j’entendais, mais c’est ce que j’entends au moment où je joue qui me donne de la liberté, pas ma technique.
Quelles ont été les clés de ton évolution, ce qui t’a réellement permis d’avancer, les musiciens, un livre d’étude particulier, la compréhension d’un standard, un déclic personnel, une façon particulière de travailler, etc. ?
Encore une suite de la question précédente, ce sont mes oreilles qui me font évoluer, d’abord en me cultivant à l’écoute de nouveaux disques (constamment avec plaisir !) puis en me dictant ce que je dois jouer quand je suis sur scène ; Comme livre, je citerai le Real Book, ouvert tous les jours lors de bœufs pendant ma période d’apprentissage jazz.
Comme manière particulière de travailler, si je dois apprendre un titre ou un répertoire, j’écoute sans analyser le CD de référence pour m’imprégner du style musical, j’écoute et relève les obligés de la ligne de basse, puis je m’efforce de comprendre la structure harmonique pour mémoriser le morceau musicalement et non pas bassistiquement ; Ensuite, je travaille ce répertoire à la basse, en essayant de trouver des idées qui complètent les imposés.
Et je n’écoute plus jamais (ou du moins pendant longtemps) les titres de référence pour me les approprier, j’essaye donc de les jouer dans l’esprit demandé, à ma manière (qui peut aussi être assez proche de celle du bassiste d’origine).
Existe-t-il des versions enregistrées des concerts de ton big band Polygruel, sur quel album aimerais-tu que l’on t’écoute, demain, je veux acheter un Cd où tu joues, qu’est-ce que tu me conseilles ?
Dernièrement, mon camarade-bassiste Dominique Grimaldi m’a fait un CD d’un enregistrement de Polygruel fait pour France Inter le jour de l'An 1980 !!
j’ai réécouté, souvent, nous osions des choses appréciables. C’est un document, le son n’est pas assez bon pour autre chose.
Si tu veux acheter un CD où je joue, je dirai en priorité Sidji Moon (qui sort en Mai) où j’expérimente.
Sinon, sur le live de Patrick Verbeke ou sur le live de Maison Klaus, on peut m’entendre tel que je suis.
Est-ce que tu écoutes encore maintenant des musiciens qui te donnent de l’énergie et de la force, peux-tu nous en parler ?
Bien sûr, toute ma foi et mon énergie viennent de l’écoute de musiciens qui m’apportent une spiritualité.
Depuis toujours, j’en ai besoin, c’est vital.
Ça a d’abord été Magma, à qui je dois beaucoup, Mekanik ou Kohntarkosz m’ont apaisé pendant mes années de lycéen et Herbie Hancock, Miles Davis, Charles Mingus, Jimi Hendrix, Pink Floyd, Chicago, Blood, Sweat & Tears, Johnny et Edgar Winter, Rory Gallagher.
Je les écoute toujours, un peu plus tard, ça a été Pat Metheny, Bjork, Portishead, Esbjorn Svensson, les fameux albums qu’on emmène sur une île déserte, ceux qui nous ressourcent.
La vie du musicien, les conseils
Peux-tu nous décrire une semaine type de ta vie de musicien, cours, séances de répétitions, travail personnel ?
Je n’ai pas de semaine type, dernièrement, ça a été tous les jours les mixes de Sidji Moon, ou des séances de travail et de répétitions avec Maison Klaus ou les Desktops.
Quand tu es en tournée d’une vedette de la variété, tu es plus assisté, un régisseur te dit à quelle heure tu pars le lendemain, tu manges à un catering qui suit la tournée (souvent très bon !!) ; ce n’est pas désagréable, on ne te demande qu’à être prêt à bien jouer chaque soir.
Les cours, je n’en donne plus pour l’instant, quelques master classes de temps en temps, où j’essaye juste d’expliquer comment je vois la basse à l’intérieur d’un groupe.
Quant à mon travail personnel, c’est un peu un mélange de tout ça à la fois, écoute de musique qui me ressource, composition de titres que je range quelque part dans mon ordinateur, travail de titres que je vais devoir jouer avec tel ou tel groupe, conception d’une master-class.
Il y a longtemps que je n’ai plus travaillé mon instrument, seul avec un métronome, mais je l’ai beaucoup fait.
Quelles sont les affinités propres à ton jeu, trio, quartet, y a-t-il selon toi une formule qui fait passer le mieux ce que tu as à dire ou est-ce suivant l’humeur ?
Il faut juste que je me retrouve à jouer mon rôle de bassiste, sans devoir ajouter des notes pour « que ça se passe », chacun son rôle, avec de l’air, de la souplesse et du groove.
Dans le même style de question, as-tu un tempo, ton tempo, lequel ? Quelles sont les tonalités que tu apprécies et dans lesquelles tu navigues en liberté ?
Une ballade bien posée à 56, un titre funk à 92, le tout en Sol, en Do ou en Ré mineur.
C’est parce que tu me poses cette question que j’y pense, mais à vrai dire, c’est surtout par rapport à un morceau donné que l’on connaîtra son bon tempo et la bonne tonalité par rapport au chanteur.
Considères-tu la basse comme l’instrument du groove ou es-tu de ceux qui aiment aussi la liberté en solo et en accords ?
Oui, oui, oui … Définitivement pour moi, la basse est un instrument de groove.
Je ne suis pas fan des solos de basse, en tout cas pour moi, mais j’ai adoré « La Musique Des Sphères » de Jannick Top, ou son solo dans « Stick Time » de Troc.
Ou Patrick O’Hearn avec Zappa dans « The Purple Lagoon ».
Ou les solos dévastateurs d’Abraham Laboriel ou Linley Marthe .
Ça me parle !!! À vrai dire, je n’aime pas quand la virtuosité prend le dessus, quand le bassiste joue un solo comme un saxophoniste, ceci me dérange, même si je suis très admirateur de ceux qui savent le faire, et que je les respecte, mais je préfère le son style « périphérique à 18h30 » du solo de Tim Bogert avec BBA ou Bernard Paganotti dans Mekanik … Une certaine vision de l’apocalypse, comme Hendrix quand il brûle sa guitare à Monterey.
Deux basses dans un orchestre comme Coltrane l’a expérimenté, tu penses que ça peut orienter la musique vers quelle direction ?
Coltrane l’avait expérimenté dans un esprit très tribal, c’était génial.
Magma aussi avec Urgon et Gorgo.
Dans mon big-band Polygruel, on est allé jusqu’à avoir trois basses, deux électriques et une contrebasse, des intros en quarte augmentée, ça bardait !!
On a fait aussi plusieurs concerts avec Dominique Bertram dans Neffesh Music de Yochk’o Seffer ; des riffs en 11/8 pendant 1/2 heure, les deux basses à la quarte, un certain esprit !!!
Pas tout à fait Star’Ac !!!
Avec Gérard Prevost et Laurent Vernerey on avait monté le groupe Bass Invaders, j’ai encore des bandes à la maison, mais tout ça reste de l’expérimentation.
Pas facile à caser dans une musique plus « normale ».
Quels sont les conseils que tu donnerais aux aspirants musiciens qui te lisent ?
D’avoir la foi, surtout ça, si ce sont de futurs bassistes, qu’ils aiment le rôle de cet instrument et qu’ils se cultivent, la musique actuelle vient de quelque part, c’est bon d’en découvrir les sources.
On peut écouter Victor Wooten, mais il faut connaître aussi Chuck Rainey, Willie Dixon ou Paul Chambers.
Internet, crise du disque, prise de position
La crise du disque, l’individualisme forcé de ceux qui arrivent à vivre de la musique, le formatage des musiques, est-ce que tu penses que la pente est irréversible ou est-ce que tu entrevois des solutions ?
C’est vrai que ce n’est pas une période facile.
Sur la question de la crise du disque, il y a déjà pas mal de mensonges.
Les Majors, qui n’ont plus pris de risque depuis des années, qui se sont contentés de gérer un catalogue sans signer de nouveaux artistes, qui n’ont rien vu venir des nouveaux supports comme Internet, se retrouvent à vendre moins que prévu, c’est tout.
Ils ne gagnent pas autant d’argent que ce qu’ils auraient espéré, mais ils en gagnent quand même pas mal.
Pense au nombre de sonneries téléphoniques de portables à deux euros, par exemple.
Le formatage tue la musique et l’art en général, surtout quand il est omniprésent sur les médias, sans alternative.
Un album formaté, produit en quinze jours, doit vendre 1 million de copies, c’est un fiasco s'il n’en vend que 600000, c’est grotesque.
Par contre, les musiques réelles, comme le Jazz, se vendent plutôt mieux actuellement, mais les 20000 copies d’une bonne vente sont quantités négligeables pour ces commerçants des Majors. Il faut garder espoir, la musique reviendra par les musiciens et leur foi, il faut juste être patient.
Dans le même genre de question, penses-tu qu’Internet puisse être un facteur déclenchant, un contre-pouvoir, une contre-culture, bref une ouverture de plus pour le musicien ou crois-tu à l’inverse que la toile va nous isoler encore plus ?
Regarde, c’est déjà le net qui permet cette interview.
Donc vive Internet !! Certaines personnes vont s’isoler en surfant trop d’heures par jour, mais c’est déjà grâce à Internet que les musiciens recréent, qu’on trouve leurs CD sur des sites spécialisés.
Pour moi, c'est un contre-pouvoir, certainement un avenir pour les artistes.
Sans rentrer dans un haut débat philosophique, penses-tu que le musicien a son mot à dire face aux cris d’alarme que la planète émet un peu partout, réchauffement, conflit, course à la productivité ? Où penses-tu au contraire que le musicien doit rester dans sa bulle et ne pas pratiquer le mélange des genres ?
Je me sens musicien-citoyen, Jimi Hendrix luttait contre la guerre du Vietnam avec ses notes. Hors le formatage cité plus haut, l’art est politique…
Si certains artistes, plus connus, peuvent donner leur vision du monde à d’autres, c’est bien, il faut juste que ça reste à propos.
La ou les questions que tu aurais voulues que je te pose, tu peux me les rajouter ici, elles seront les bienvenues ?
Non, tes questions Bruno étaient très pertinentes, j’espère que mes réponses le sont un peu…
Seulement une conclusion : on a de la chance, nous musiciens, de pouvoir créer… La société actuelle nous met pas mal de bâtons dans les roues, mais notre foi gagnera… L’écoute et le respect, la culture musicale et notre travail personnel, feront de nous de meilleurs musiciens, c’est une quête et c’est notre force… Bonne continuation à tous,
Laurent Cokelaere.
On inaugure cet espace avec l'aide précieuse de Laurent Cokelaere qui inaugure cette formule.
Un plaisir de partager avec Laurent, voilà l'échange de ce moment.
Bruno Chaza
www.brunochaza.com
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YouTube : https://www.google.fr/search?dcr=0&ei=g ... A59LpIVeNU
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Extraits de bio
Laurent Cokelaere joue de la basse (électrique - acoustique - contrebasse) depuis le milieu des 70's.
Il a accompagné: Alan Stivell, Buzy, Jean-Claude Vannier, Ana Prucnal, Century, Michel Fugain, Bill Deraime, Richard Clayderman, Véronique Rivière, Enzo Enzo, Kent, Sheila, Michel Sardou, J.J. Milteau, Coralie Clément, Keren Ann, Yves Duteil, Antoine, Frankie Jordan, Patrick Verbeke, Nikos Aliagas & Tout Le Monde Chante, Nolwenn Leroy ...
Bassiste des 1000 choristes des Nuits de Champagne (avec Charles Aznavour, Renaud, Maurane, Michel Fugain, Daniel Lavoie, Michel Jonasz, Véronique Sanson, Bernard Lavilliers, Eddy Mitchell ...) et, depuis 2006, de l'orchestre des Victoires de la Musique.
Il a aussi occasionnellement accompagné (radios, télés, concerts, albums) : Catherine Lara, Djurdjura, Antoine Tomé, Gilbert Bécaud, Philippe Lavil, Richard Gotainer, Le Grand Magic Circus, Mighty Mo Rogers, Sue Foley, Maurane, Chance Orchestra, Autour Du Blues, Murray Head, Faudel, Pauline Croze, Liane Foly, Zoé, Patrick Bruel, Abd Al Malik, Vincent Delerm, Benabar, M, Louis Chedid, Alain Souchon, Jeanne Cherhal, Isabelle Boulay, Christophe Maé, Christophe Willem, Fatal Bazooka, Aaron, Maxime Leforestier, Diane Dufresne, Diane Tell, Gerald de Palmas, Zaz, Camélia Jordana, Stevie Wonder et ... Arlette Laguiller !!
Jazz avec Eric Lelann, Francis Bourrec, Ivan Jullien, Francis Lockwood, François Couturier, Robert Persi, Eric Séva, Khalil Chahine, Daniel Goyone, Jimi Drouillard, Denis Leloup, Benoît Widemann.
A monté ou a participé aux groupes : Polygruel, Minigruel, 9 Plus avec Ivan Jullien, le Grand Blues Band, Coketale, Cokepit, Maison Klaus avec Klaus Blasquiz, les Desktops.
Actualités
Laurent, pourrais-tu nous parler de ton actualité et de tes projets ?
Mon projet qui me tient le plus à cœur actuellement est le groupe ou plutôt le concept, Sidji Moon, créé avec mon camarade Hervé Gourdikian, qui joue du sax, des claviers et des instruments ethniques divers comme le duduk, le bansouri, le ney ; c’est un projet world-électro-jazz, conceptualisé dans le home-studio d’Hervé.
Beaucoup d’invités, Keren Ann, David Linx, Etienne Mbappé et Klaus Blasquiz comme chanteurs, plus Olivier Louvel, Jean-Michel Kajdan, Olivier Ker Ourio, Stéphane Huchard, Andy Narell et encore beaucoup d’autres, des cordes avec le quatuor d’Anne Gravoin, Nicolas Montazaud aux percussions.
Que les absents m’excusent.
Mixé par Pierre Bianchi, l’album s’appelle Nomades et sortira le 6 Mai chez Cristal Records.
C’est un bel album dont on est fiers avec Hervé.
Beaucoup de basses enregistrées, des Jazz Bass, Precision Bass, Takamine B10, Kramer Duke fretless, Musicman Stingray cinq cordes, Epiphone EA260, contrebasse, médiator, wah wah, saturation.
On est en train de monter une formule live : Olivier Louvel aux guitares, bouzouki, Manu Millot à la batterie et envoi de samples et séquences, Hervé et moi, plus envoi d’images par Fab Sanchez, qui a aussi fait notre pochette.
Plus des invités selon les dates, vaste projet.
Sinon, il y a aussi bientôt la sortie du CD live de Patrick Verbeke (Dixiefrog), enregistré en 2004 au Jazz club Lionel Hampton du Méridien Porte Maillot, à Paris.
Et aussi la prévision d’un futur album de Maison Klaus, groupe qui existe depuis 1997, dont la formation actuelle est : Klaus Blasquiz (ex-Magma) au chant et aux percussions, Gilles Erhart aux claviers, Jean-Mi Kajdan à la guitare, Éric Séva au sax, Éric Lafont à la batterie et moi-même à la basse ; on joue une sorte de rhythm’n’blues a tendance jazz, et nous composons en prévision de cet album. À suivre...
Je joue aussi avec ce groupe de reprise du répertoire motown de 1960 au début des 70’s, les Desktops.
C’est le film Motown en hommage aux Funk Brothers, paru en 2003, qui nous en a donné l’idée, nous essayons de jouer vraiment à leur manière, c’est un exercice de style.
As-tu ta basse de prédilection ou est-ce que tu adoptes plusieurs instruments suivant les styles et les fonctions ?
Si je vais jouer du blues, du jazz ou accompagner un chanteur, j’emmène en priorité une Jazz Bass Fender quatre cordes, qui est pour moi LA basse.
J’ai toutes les nuances de mon jeu avec cette basse, elle se mixe naturellement.
J’en ai cinq, modernes ou anciennes, je choisis l’une ou l’autre selon le cas, l’une a plus de grain, l’autre plus de bas et toutes me conviennent.
Mais j’ai aussi beaucoup d’autres basses que je peux utiliser pour des cas plus particuliers ou des occasions plus précises : une Precision Bass, montée en cordes à filet plat, avec un étouffoir en mousse, que j’utilise pour un son 60’s, type Motown aux doigts ou Gainsbourg au médiator ; beaucoup jouée dans l’album de Sidji Moon avec notre groupe Motown ou sur scène avec Keren Ann.
J’ai aussi cette petite basse Epiphone EA260, du début des années 70, fabriquée au Japon. Manche court montée aussi en cordes à filet plat.
Je l’ai achetée en 2004 et je m’en sers énormément depuis, elle est assez typée Hofner McCartney, mais a aussi un gros son reggae ou rhythm’n’blues.
Une Squier Katana, style Precision, montée avec des cordes en nylon ; parfaite pour un son Baby Bass salsa, presque un son de tuba.
Une Takamine B10 fretless, qui peut se jouer sur un pic comme un violoncelle ; très beau son boisé. Parfaite pour les concerts acoustiques, je l’ai beaucoup utilisée avec Enzo Enzo, avec Chris Lancry. Elle a enregistré le titre Jan sur le CD de Sidji Moon.
Quatre basses cinq cordes (avec un si grave), une Jazz Bass Fender, une Precision, une Musicman Stingray et une Epiphone électro-acoustique El Capitan ; j’utilise les 3 électriques en variété, où souvent l’arrangeur demande des tenues plus graves que le mi ou en studio quand j’ai besoin d’un do ou d'un ré dans les graves.
La Capitan est une bonne basse électro-acoustique frettée, un bon compromis entre une basse électrique et une contrebasse.
En fretless, outre la Takamine, j’ai une Kramer Duke, basse bâton achetée en 1983, un double micro Di Marzio, un manche sans tête en aluminium, une touche phénolique et cette basse sonne vraiment bien, je l’ai beaucoup utilisée dans les années 80, elle a enregistré le titre Longuéa Biño de Sidji Moon.
J’ai aussi une Jazz Bass de 1968, avec une touche en ébène, qui sonne très Pastorius.
Fred Pons, luthier de la marque Kopo, élabore actuellement une basse pour moi : cinq cordes (avec un si grave), corps et manche en acajou, capteur Schertler, micro magnétique Benedetti, c’est encore un prototype et elle sonne déjà avec un très gros son.
J’ai aussi deux contrebasses, une Allemande pas très chère, que j’utilise chez moi ou en studio avec un micro placé devant et une contrebasse électrique, fabriquée par Renaud Guillemet, modèle Bassmoody, que j’utilise amplifiée pour les concerts, dernièrement avec Patrick Verbeke, Yves Duteil ou Keren Ann.
Voilà donc mes basses de prédilection ; je précise que l’utilisation d’une basse pour un son précis, me permet de jouer d’une certaine manière qui souvent convient bien à la musique, c’est important.
J’ai aussi quelques basses « collectors » que je n’utilise pas, mais dont j’apprécie le look et l’histoire : une Framus Star-Bass, une Eko, une Emperador, une Fernandes (avec haut-parleur intégré), une Teisco-Del-Rey NB-4, une Yamaha Super Bass 800 et une Washburn Bantam double-manche.
Le passé musical, l’évolution
Ton passé musical en tant qu’étudiant est-il uniquement Jazz ?
Pour moi, il y a deux sortes d’études ;
1) Pour ma part, comme beaucoup de mes confrères, j’ai commencé en autodidacte, avec un groupe de lycée et notre écoute forcenée des groupes comme Led Zeppelin, Cactus ou Ten Years After.
Voilà le début de mes études, trouver le comment du pourquoi d’une ligne de basse, d’un doigté précis, d’un rythme saccadé.
Tout seul, sans aide, la compréhension est certainement plus longue, mais forge un style qui reste pour la vie.
Les vraies influences sont celles du commencement, celles qui marquent.
Donc ce début d’étudiant en quatre cordes a été pour moi plutôt rock ; mes influences bassistiques sont Tim Bogert (avec Cactus), Glenn Cornick (avec Jethro Tull – La Bourée !!), Jannick Top (Troc et Magma).
Puis, toujours en autodidacte, j’ai commencé à m’intéresser à d’autres musiques, plus ouvertes, plus jazz : Herbie Hancock, Weather Report, Miles Davis, Charles Mingus.
J’ai donc disséqué Paul Jackson (Headhunters), Alphonso Johnson (Weather Report), Michael Henderson, Ron Carter, Paul Chambers (diverses époques de Miles Davis), Charles Mingus.
Puis James Jamerson, Chuck Rainey, Jerry Jemmott, Bernard Paganotti, Jaco Pastorius, Rocco Prestia, Will Lee etc.
Je n’ai pris que quelques cours avec Jean-Pierre Lembert qui m’ont apporté une amélioration technique (position des mains), mais avec qui je n’ai jamais parlé de musique, bizarrement.
2) Ce n’est qu’un peu plus tard (je jouais de la basse depuis cinq ans), que j’ai abordé des études jazz, d’abord en côtoyant Tony Bonfils (qui m’a beaucoup parlé de musique), puis au Berklee College de Boston.
Ces études ont été déterminantes, elles m’ont déjà permis de mettre des points sur les i, de répondre à des questions que je me posais sans avoir de réponse, à apprendre l’harmonie, à apprendre l’arrangement et l’orchestration.
Mais je me rends compte maintenant (presque 30 ans plus tard !!!) que j’avais déjà mon style actuel, en ébauche, ces études de jazz m’ont aidé à une meilleure compréhension de la musique elle-même et à plus de subtilité dans mon jeu.
As-tu l’impression de t’être approprié des clés dans ton parcours, une façon particulière de traiter une cadence ou un accord, bref comment et par quel moyen la technique a laissé le pas à la liberté dans ton jeu ?
C’est la suite de la question précédente ; j’ai approprié une subtilité jazz dans un jeu rhythm’n’blues, voilà ma clé : avoir assez de culture musicale pour aborder des musiques différentes avec de bonnes références.
J’ai aussi toujours pensé plus à la musique qu’à mon instrument, qui n’a toujours été qu’un moyen et non un but.
Pareil pour la technique, j’ai toujours essayé d’en avoir assez pour jouer ce que j’entendais, mais c’est ce que j’entends au moment où je joue qui me donne de la liberté, pas ma technique.
Quelles ont été les clés de ton évolution, ce qui t’a réellement permis d’avancer, les musiciens, un livre d’étude particulier, la compréhension d’un standard, un déclic personnel, une façon particulière de travailler, etc. ?
Encore une suite de la question précédente, ce sont mes oreilles qui me font évoluer, d’abord en me cultivant à l’écoute de nouveaux disques (constamment avec plaisir !) puis en me dictant ce que je dois jouer quand je suis sur scène ; Comme livre, je citerai le Real Book, ouvert tous les jours lors de bœufs pendant ma période d’apprentissage jazz.
Comme manière particulière de travailler, si je dois apprendre un titre ou un répertoire, j’écoute sans analyser le CD de référence pour m’imprégner du style musical, j’écoute et relève les obligés de la ligne de basse, puis je m’efforce de comprendre la structure harmonique pour mémoriser le morceau musicalement et non pas bassistiquement ; Ensuite, je travaille ce répertoire à la basse, en essayant de trouver des idées qui complètent les imposés.
Et je n’écoute plus jamais (ou du moins pendant longtemps) les titres de référence pour me les approprier, j’essaye donc de les jouer dans l’esprit demandé, à ma manière (qui peut aussi être assez proche de celle du bassiste d’origine).
Existe-t-il des versions enregistrées des concerts de ton big band Polygruel, sur quel album aimerais-tu que l’on t’écoute, demain, je veux acheter un Cd où tu joues, qu’est-ce que tu me conseilles ?
Dernièrement, mon camarade-bassiste Dominique Grimaldi m’a fait un CD d’un enregistrement de Polygruel fait pour France Inter le jour de l'An 1980 !!
j’ai réécouté, souvent, nous osions des choses appréciables. C’est un document, le son n’est pas assez bon pour autre chose.
Si tu veux acheter un CD où je joue, je dirai en priorité Sidji Moon (qui sort en Mai) où j’expérimente.
Sinon, sur le live de Patrick Verbeke ou sur le live de Maison Klaus, on peut m’entendre tel que je suis.
Est-ce que tu écoutes encore maintenant des musiciens qui te donnent de l’énergie et de la force, peux-tu nous en parler ?
Bien sûr, toute ma foi et mon énergie viennent de l’écoute de musiciens qui m’apportent une spiritualité.
Depuis toujours, j’en ai besoin, c’est vital.
Ça a d’abord été Magma, à qui je dois beaucoup, Mekanik ou Kohntarkosz m’ont apaisé pendant mes années de lycéen et Herbie Hancock, Miles Davis, Charles Mingus, Jimi Hendrix, Pink Floyd, Chicago, Blood, Sweat & Tears, Johnny et Edgar Winter, Rory Gallagher.
Je les écoute toujours, un peu plus tard, ça a été Pat Metheny, Bjork, Portishead, Esbjorn Svensson, les fameux albums qu’on emmène sur une île déserte, ceux qui nous ressourcent.
La vie du musicien, les conseils
Peux-tu nous décrire une semaine type de ta vie de musicien, cours, séances de répétitions, travail personnel ?
Je n’ai pas de semaine type, dernièrement, ça a été tous les jours les mixes de Sidji Moon, ou des séances de travail et de répétitions avec Maison Klaus ou les Desktops.
Quand tu es en tournée d’une vedette de la variété, tu es plus assisté, un régisseur te dit à quelle heure tu pars le lendemain, tu manges à un catering qui suit la tournée (souvent très bon !!) ; ce n’est pas désagréable, on ne te demande qu’à être prêt à bien jouer chaque soir.
Les cours, je n’en donne plus pour l’instant, quelques master classes de temps en temps, où j’essaye juste d’expliquer comment je vois la basse à l’intérieur d’un groupe.
Quant à mon travail personnel, c’est un peu un mélange de tout ça à la fois, écoute de musique qui me ressource, composition de titres que je range quelque part dans mon ordinateur, travail de titres que je vais devoir jouer avec tel ou tel groupe, conception d’une master-class.
Il y a longtemps que je n’ai plus travaillé mon instrument, seul avec un métronome, mais je l’ai beaucoup fait.
Quelles sont les affinités propres à ton jeu, trio, quartet, y a-t-il selon toi une formule qui fait passer le mieux ce que tu as à dire ou est-ce suivant l’humeur ?
Il faut juste que je me retrouve à jouer mon rôle de bassiste, sans devoir ajouter des notes pour « que ça se passe », chacun son rôle, avec de l’air, de la souplesse et du groove.
Dans le même style de question, as-tu un tempo, ton tempo, lequel ? Quelles sont les tonalités que tu apprécies et dans lesquelles tu navigues en liberté ?
Une ballade bien posée à 56, un titre funk à 92, le tout en Sol, en Do ou en Ré mineur.
C’est parce que tu me poses cette question que j’y pense, mais à vrai dire, c’est surtout par rapport à un morceau donné que l’on connaîtra son bon tempo et la bonne tonalité par rapport au chanteur.
Considères-tu la basse comme l’instrument du groove ou es-tu de ceux qui aiment aussi la liberté en solo et en accords ?
Oui, oui, oui … Définitivement pour moi, la basse est un instrument de groove.
Je ne suis pas fan des solos de basse, en tout cas pour moi, mais j’ai adoré « La Musique Des Sphères » de Jannick Top, ou son solo dans « Stick Time » de Troc.
Ou Patrick O’Hearn avec Zappa dans « The Purple Lagoon ».
Ou les solos dévastateurs d’Abraham Laboriel ou Linley Marthe .
Ça me parle !!! À vrai dire, je n’aime pas quand la virtuosité prend le dessus, quand le bassiste joue un solo comme un saxophoniste, ceci me dérange, même si je suis très admirateur de ceux qui savent le faire, et que je les respecte, mais je préfère le son style « périphérique à 18h30 » du solo de Tim Bogert avec BBA ou Bernard Paganotti dans Mekanik … Une certaine vision de l’apocalypse, comme Hendrix quand il brûle sa guitare à Monterey.
Deux basses dans un orchestre comme Coltrane l’a expérimenté, tu penses que ça peut orienter la musique vers quelle direction ?
Coltrane l’avait expérimenté dans un esprit très tribal, c’était génial.
Magma aussi avec Urgon et Gorgo.
Dans mon big-band Polygruel, on est allé jusqu’à avoir trois basses, deux électriques et une contrebasse, des intros en quarte augmentée, ça bardait !!
On a fait aussi plusieurs concerts avec Dominique Bertram dans Neffesh Music de Yochk’o Seffer ; des riffs en 11/8 pendant 1/2 heure, les deux basses à la quarte, un certain esprit !!!
Pas tout à fait Star’Ac !!!
Avec Gérard Prevost et Laurent Vernerey on avait monté le groupe Bass Invaders, j’ai encore des bandes à la maison, mais tout ça reste de l’expérimentation.
Pas facile à caser dans une musique plus « normale ».
Quels sont les conseils que tu donnerais aux aspirants musiciens qui te lisent ?
D’avoir la foi, surtout ça, si ce sont de futurs bassistes, qu’ils aiment le rôle de cet instrument et qu’ils se cultivent, la musique actuelle vient de quelque part, c’est bon d’en découvrir les sources.
On peut écouter Victor Wooten, mais il faut connaître aussi Chuck Rainey, Willie Dixon ou Paul Chambers.
Internet, crise du disque, prise de position
La crise du disque, l’individualisme forcé de ceux qui arrivent à vivre de la musique, le formatage des musiques, est-ce que tu penses que la pente est irréversible ou est-ce que tu entrevois des solutions ?
C’est vrai que ce n’est pas une période facile.
Sur la question de la crise du disque, il y a déjà pas mal de mensonges.
Les Majors, qui n’ont plus pris de risque depuis des années, qui se sont contentés de gérer un catalogue sans signer de nouveaux artistes, qui n’ont rien vu venir des nouveaux supports comme Internet, se retrouvent à vendre moins que prévu, c’est tout.
Ils ne gagnent pas autant d’argent que ce qu’ils auraient espéré, mais ils en gagnent quand même pas mal.
Pense au nombre de sonneries téléphoniques de portables à deux euros, par exemple.
Le formatage tue la musique et l’art en général, surtout quand il est omniprésent sur les médias, sans alternative.
Un album formaté, produit en quinze jours, doit vendre 1 million de copies, c’est un fiasco s'il n’en vend que 600000, c’est grotesque.
Par contre, les musiques réelles, comme le Jazz, se vendent plutôt mieux actuellement, mais les 20000 copies d’une bonne vente sont quantités négligeables pour ces commerçants des Majors. Il faut garder espoir, la musique reviendra par les musiciens et leur foi, il faut juste être patient.
Dans le même genre de question, penses-tu qu’Internet puisse être un facteur déclenchant, un contre-pouvoir, une contre-culture, bref une ouverture de plus pour le musicien ou crois-tu à l’inverse que la toile va nous isoler encore plus ?
Regarde, c’est déjà le net qui permet cette interview.
Donc vive Internet !! Certaines personnes vont s’isoler en surfant trop d’heures par jour, mais c’est déjà grâce à Internet que les musiciens recréent, qu’on trouve leurs CD sur des sites spécialisés.
Pour moi, c'est un contre-pouvoir, certainement un avenir pour les artistes.
Sans rentrer dans un haut débat philosophique, penses-tu que le musicien a son mot à dire face aux cris d’alarme que la planète émet un peu partout, réchauffement, conflit, course à la productivité ? Où penses-tu au contraire que le musicien doit rester dans sa bulle et ne pas pratiquer le mélange des genres ?
Je me sens musicien-citoyen, Jimi Hendrix luttait contre la guerre du Vietnam avec ses notes. Hors le formatage cité plus haut, l’art est politique…
Si certains artistes, plus connus, peuvent donner leur vision du monde à d’autres, c’est bien, il faut juste que ça reste à propos.
La ou les questions que tu aurais voulues que je te pose, tu peux me les rajouter ici, elles seront les bienvenues ?
Non, tes questions Bruno étaient très pertinentes, j’espère que mes réponses le sont un peu…
Seulement une conclusion : on a de la chance, nous musiciens, de pouvoir créer… La société actuelle nous met pas mal de bâtons dans les roues, mais notre foi gagnera… L’écoute et le respect, la culture musicale et notre travail personnel, feront de nous de meilleurs musiciens, c’est une quête et c’est notre force… Bonne continuation à tous,
Laurent Cokelaere.
Dernière modification par Bruno Chaza le 19 juil. 2007, 11:22, modifié 15 fois.
Laurent Cokelaere Interview
J'ai bcp aimé cette reaction :
"Il faut garder espoir, la musique reviendra par les musiciens et leur foi, il faut juste être patient."
soyons patient [et travailleur!]
"Il faut garder espoir, la musique reviendra par les musiciens et leur foi, il faut juste être patient."
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l'idée, l'interview tout est vraiment bien fait, encore merci
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Je regrette, néanmoins, de ne pas avoir pu aller aux extraits musicaux !
C'est moi ou ...... y a un truc ?
C'est moi ou ...... y a un truc ?
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même problème que toi Fanto donc ça ne vient pas de toi ; remarque, tu me diras , ça peut venir de nous deux!
Donc je suis aussi preneur pour une solution
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merci, qq part ça me rassure !patoubass a écrit :même problème que toi Fanto donc ça ne vient pas de toi ; remarque, tu me diras , ça peut venir de nous deux!
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Ohhh, alors je suis allé voir et donc tout en haut de l'interview, au-dessus du sujet extraits de bio, vous avez une phrase avec une flèche vous dirigeant vers des propositions YouTube, dites-moi si vous y êtes arrivés, car là vous m'inquiétez aussi un peu tous les deux
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a yé, vu, super Bruno !!! thxchaza a écrit :Ohhh, alors je suis allé voir et donc tout en haut de l'interview, au-dessus du sujet extraits de bio, vous avez une phrase avec une flèche vous dirigeant vers des propositions YouTube, dites-moi si vous y êtes arrivés, car là vous m'inquiétez aussi un peu tous les deux
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ah j'l'avais pas vu! merci chef chef
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Du coup, ben, t'avais pas tort !!!patoubass a écrit :même problème que toi Fanto donc ça ne vient pas de toi ; remarque, tu me diras , ça peut venir de nous deux!
Donc je suis aussi preneur pour une solution
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Re: Laurent Cokelaere Interview
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